Le cirque de Darromar

Au loin, un autre gnome fit un signe de la main.

"Voilà, j'arrive cher cousin. Ah, passe-moi ça..."

Irmy repris les rouleaux de tissus des mains de Marivon.

"Excusez-moi, j'ai du travail, à plus tard!"

Les présentations furent vite faite. Le vieux bonhomme qui leurs faisait face -le dénomé Hérist- ne payait pas de mine. On aurait dit une vieille liane, tant il était mince et souple pour son âge.

"Tu sais Marivon, je sais que ce pauvre Marti a la vue qui baisse, mais de là à le faire remplacer par une jeunette, ce n'est pas très sport."

L'homme qu'on appelait Marti, une espèce de grizzli appuyé contre un chariot à quelque mètres de là grogna à voix basse. Illys devait l'apprendre en détail plus tard, il s'agissait de l'actuel et seul expert en 'survie en milieu sauvage' du groupe.

"Allons, Hérist, ne me fait pas dire ce que je n'ai pas dit! Je te parle de renfort. Sur la route de Zazzespur, on parle pelle-mêle d'ourshiboux, de kobolds, de gnolls, de gobelours, sans oublier des bandits tout ce qu'il y'a de plus ordinaire. Personnellement, je n'aimerai pas me réveiller en compagnie d'une de ces créatures sus-mentionnées que l'on aurait pas vu venir."

Du travail en perspective. Illys n'avait pas souvenir qu'autant de monde traînait dans le secteur ces derniers temps!

"Bon très bien, concéda Hérist. Nous repartons d'ici trois jours maximum. Prenez vos repères, chère amie, et en attendant, profitez du spectacle!"

Hérist lui fut sympathique dès le premier instant. Son côté bon vivant, de prime abord, devait avoir le don de rendre les gens de bon poil. Elle ne pu réprimer un petit sourire en coin à son commentaire. Le terme de jeunette étant tellement relatif. À, maintenant, plus de cent ans, bien qu’encore très jeune, l’elfe ne pouvait jamais s’empêcher d’imaginer tout ce beaux petits mondes avec la couche aux fesses, tel qu’elle aurait pu les rencontrer. Par contre, la réaction du dénommé Marti la rendit mal-à-l’aise. Soit il n’appréciait tout simplement pas l’humour d’Hérist, soit il n’appréciait pas la venue d’Illys. Voici donc mon confrère. Il n’a pas l’air très commode. Mais, il va bien falloir qu’il m’accepte comme collaboratrice si l’on veut être efficace. À défaut de m’en faire un ami, je pourrais toujours établir une relation de partenariat. Se dit-elle. Car, l’elfe voulait à tout prix s’en faire un bon compagnon de travail. Aussi bien y aller avec humour et humilité. Surtout avec humilité.

« Merci! J’y tâcherai, Monsieur Hérist! Elle s’adressa ensuite à Marivon et Hérist. Si ça ne vous dérange pas, j’aimerais aller faire connaissance avec Monsieur Marti. Comme ce dernier sera condamné à aider la jeunette que je suis, aussi bien que nous fassions connaissance le plus tôt possible. »

L’elfe jeta un regard incertain vers l’homme en question. Juste un petit signe d’intérêt serait encourageant.

"Eh bien, la mise en scène, c'est Marivon qui s'en occupe." L'homme ainsi nommé leva la main.

Il avait l'air très sérieux. Le genre qui ne néglige aucun détail.

"Vous vouliez me parler?"

Pendant ce temps, Hérist glissa à Illys:

"Oh oui, allez donc essayer d'apprivoiser ce vieux grizzli là-bas. Bon courage!"

Amarillys salua, d’un léger mouvement de tête, la demi-elfe ainsi que le musicien qui approchait pour la rejoindre elle et Marivon. Elle se présenterait plus tard. Pour le moment, la personne la plus importante était Marti. Elle quitta donc avec les encouragement, plus ou moins rassurant, d’Hélist.

" Bonjour! Au contraire de ce que monsieur Hérist a pu dire, je ne suis pas du tout ici pour vous remplacer. Je dois même dire que ce fut plutôt difficile de me faire prendre comme aide. Monsieur Marivon est plutôt redoutable. "

L’elfe ne savait trop que dire. Elle déposa son sac et s’installa au côté de Marti.

"Amarillys Nim’loki! " Se contenta-t-elle comme présentation.

" Cela fait longtemps que vous les protégez tous? Je ne devrais même pas me poser la question, ils semblent tous vous apprécier. Vous formez une grande famille, n’est-ce pas? La famille, qu’elle soit originaire des liens du sang ou simplement d’un fort lien affectif, est un bien très précieux! La préservation de la vie de chacun est primordiale... oui primordiale..... "

L’elfe murmura les dernières paroles, le regard absent, caressant, du pouce droit, le tatouage qui parcourait le pouce de sa main gauche. Et puis, elle leva brusquement son regard vers Marti et lui sourit avec gentillesse.

" Un bon ami à moi me disait toujours: Un voyageur seul ne s’ennui jamais sur la longue route de sa vie, jusqu’à ce qu’il parcourt un bout de chemin avec un passant et que ce dernier le quitte à la croisée des chemins! Sa tournure d’esprit est parfois particulière, mais j’ai bien aimé cette pensée. La simplicité des halfelins est souvent porteuse de vérité. Accepteriez-vous de me laisser une chance? "

[A Filinia]

"Le noir complet? C'est... audacieux. Bon, je vous fait confiance, c'est bien parce que je n'ai pas le temps de faire répéter tout les numéros. Je ferait passer le mot à Sully"

Il regarda alternativement Filinia et Conrad.

"Besoin d'autre chose?"

[A Illys]

Marti releva son chapeau du pouce, attendant de pouvoir en placer une. Entre les mèches de cheveux, on distinguait une vilaine cicatrice sur le front.

"Et contrairement à ce que dit Herist, je n'ai peut-être plus vingt ans mais j'y vois encore assez clair pour dégommer une tête de gobelin à cent pas dans un buisson avec une bonne arbalète naine."

Un sourire ouvrit la barbe broussailleuse qui n'avait rien à envier au Peuple Vigoureux.

"Avant, j'étais trappeur dans les Marches d'Argent. Un jour, j'ai dû échapper à une tribu de gobelours en courant pendant trois jours dans la forêt, seulement armé d'un couteau et d'une grosse branche. Une fois sorti de là, je me suis rendu compte que j'étais trop vieux pour ces conneries, alors je me suis trouvé un job à l'avenir moins incertain. J'en ai croisé des passants, comme dit votre ami, et beaucoup sont mort avant le prochain croisement. J'espère sincèrement que vous irez plus loin qu'eux."

Il lui fit un clin d'oeil.

"Et ne vous en faites pas avec Marivon. Il a plus d'humour que ça. Mais il n'a pas eu la vie facile, ça l'a un peu aigri."

Voyant que Filinia s'en allait, il partit chuchoter à Marivon.

"J'aurai une requête à vous demander... J'aimerai avoir une place qui me permette de voir notre amie tout en étant moi-même hors de la vue du public. C'est que je ne voudrais pas gacher le spectacle par ma présence. Bien que tous les regards seront sûrement portés sur notre danseuse, je ne préfère prendre aucun risque."

Cela n'était qu'une excuse car Conrad ne voulait pas être vu sur la scène.
"Nous serons amenés à nous revoir..." Cette voix... Elle le hantait. Intuition ? Non, Conrad avait peur, c'est tout... Il savait que l'on regarderait Filinia et non les musiciens. Mais après tout, un regard pouvait très bien s'évader de temps à autres même devant les belles choses.

[Jet de Diplomatie]

La vision hilarante du trappeur courant à perdre haleine avec des gobelours à ses trousses donna une forte envie de rire à l’elfe. Elle la réprima tant bien que mal. Tout compte fait, Marti était un homme bon sous ses airs d’ours mal léché.

" Mon heure ne semble pas venue, mais quand elle viendra je l’accepterai et l’accueillerai avec joie et soulagement. Nous passerons tous par cette étape, suffit juste de faire en sorte de rallonger l’échéance du mieux que l’on peut. "

Amarillys ne pouvait pas vraiment dire qu’elle ne craignait pas la mort, loin de là. Au contraire, l’elfe tenait à la vie. Mais, disons qu’elle avait choisi de ne pas tenir compte de ce fait. Ne pas penser à quelque chose nous évitait, en quelque sorte, d’en avoir peur. Donc, elle faisait en sorte que la mort soit reléguée aux oubliettes, dans un recoin très éloigné de son esprit. Et, quand le moment sera venu, il n’y avait qu’une option et s’était de le subir dignement. Et, Amarillys avait le réconfort de se savoir attendu de l’autre côté.

" En tant que nouveau collègue, accepteriez-vous de me dispenser une visite des lieux? Vous pourriez ainsi me dire tout ce que je dois savoir sur ses occupants, à commencer par leurs noms. Vous pourriez, de plus, m’expliquer les détails du voyage à venir. "

Ce que l’elfe n’exprima pas était que de se familiariser avec les lieux lui donnerait un semblant de contrôle sur ce qui se passait, la rendant ainsi plus à l’aise et confiante. Elle espérait surtout qu’elle n’aurait pas à dormir à la belle étoile tout de suite.

[Conrad] Jet de diplomatie : échec

Les yeux de Marivon se relevèrent très vite, ce qui lui donnait l'air sévère.

"Comment ça 'gâcher' ? En voilà une fantaisie... Où voulez-vous être? Si vous n'êtes pas dans la fosse à orchestre, la résonnance sera mauvaise, et ça, ça gacherai le spectacle. Et puis vous serez dans le noir je vous rappelle, alors il n'y a pas de quoi être timide."

Il était souvent involontairement cassant, mais il fallait dire que la demande de Conrad était pour le moins curieuse. Encore heureux que Marivon ne lui aie pas demandé les raisons, car il aurait été bien déconfit de devoir s'expliquer.

[Illys]

Marti haussa les épaules et se rembrunit un peu. L'épisode des gobelours n'avait pas l'air de vraiment le faire rire, même avec quelques années de recul. Il devait y avoir perdu des amis dans la mésaventure, c'était la seule explication possible.

"Une visite des lieux, oh vous savez, ça change tout le temp. Cette roulotte-là, c'est celle d'Herist et de sa nièce, celle-là, Marivon la partage avec Irmy et Sully, la rouge plus loin, c'est celle de Cassandra..."

S'en suivi une longue liste de noms. Apparament, il n'y avait pas de place pour tout le monde. Les quelques roulottes étaient en colocation entre les 'permanents' du cirque, et pour les autres on montait des tentes supplémentaire à chaque étape.

"... et moi je dors sur mon cheval. Nan, je plaisante, je me fait une place dans le chariot à matériel, quand c'est le tour d'Henri de prendre son tour."

Henri, l'ancien soldat cormyrien, était le seul autre garde. Il fallait dire qu'un convoit d'artistes attirait quand même bien moins les convoitises qu'une caravane de marchand bien gras.

Le ménestrel prit un sourire gêné.

"Oui... Vous avez raison, désolé de vous avoir dérangé. Qans doute une excentricité de ma part..."

Ca n'avait pas marché, mais après tout, que pouvait donc espérer le jeune homme ? Après tout, cela aurait sûrement marché avec une explication plus approfondie.
Simplement, Conrad préférait garder ses secrets, ce sont ses affaires et celles de personnes d'autres.

Il fit un geste d'au revoir de la main à Marivon puis il se détourna et partit en direction de sa tente.
"Ca ne m'empêche pas non plus d'aller me laver... J'ai l'impression d'être aussi sale qu'un orque."

Son tour? Son tour de garde voulait-il dire? Vais-je devoir m’évertuer à lui sortir les vers de nez aussitôt que j’aurais besoin de savoir quelque chose? C’est à ce demander si un orque n’est pas plus loquace. Comme il ne semble pas vouloir bouger son postérieur de là, aussi bien que je m’occupe comme je le peux. Le mieux, c’est de me trouver un petit coin à moi jusqu’au moment du départ. De toute façon, il ne semble pas vouloir discuter des détails du voyage et encore moins d’avoir quelque chose à me faire faire.

" Si je puis me le permettre, je vais faire un petit tour d’horizon. Si vous avez besoin de mes services, je suis certaine que vous me trouverez sans le moindre problème. "

L’elfe se redressa et s’adressa à Marti d’un air très sérieux.

" Loin était de moi l’idée de vous blesser de part mon hilarité d’il y a quelques instants. Je ne sous-estime en aucun cas le danger que ceci à représenter. Des gobelours sont des êtres très dangereux. Mais, si l’on fait abstraction de tous sentiments reliés à la situation et que l’on regarde la situation avec le recul d’une personne n’étant pas sur place, comme moi. Il va sans dire que l’image qui se forme à notre esprit peut paraître drôle au premier abord. Mais, bien sûr, cela dépend du point de vue. Pardonnez mon manque de respect! J’ai tendance à vouloir dédramatiser les choses. Je ne vous ennuierai plus de la sorte. "

Du moins, j’aimerais en être aussi capable que je veux bien le laisser croire. J’ai le pressentiment que je vais devoir ménager les susceptibilités de ses gens. Aurevoir douce spontanéité, bonjour le manque d’honnêteté! Amarillys Nim’loki! Mieux vaut pour toi ma fille que tu restes tranquille dans ton coin. Il en va de ta santé mentale. Oh oui! Il en va vraiment de mon équilibre. L’elfe soupira légèrement.

" Je suis à votre service. J’accomplirai mon devoir dès que vous en déciderez, Marivon ou bien vous, du moment. "

Une chose était claire. Il n’était pas difficile pour Marti de comprendre que l’elfe considérait Marivon comme le grand patron, mais que Marti n’était pas très loin derrière, étant le plus expérimenté du cirque dans ce qu’elle entrait dans la classe des rôdeurs. L’elfe n’avait aucune idée de la véritable hiérarchie du cirque, mais elle n’en avait cure. Elle avait prise sa décision. Elle répondrait de ses actes à Marivon et Marti seulement. À moins que Marivon ne lui donne d’autres instructions. Amarillys salua brièvement le trappeur et se dirigea vers l’attroupement de tentes tout près des caravanes.

Cette elfe serait difficile à saisir par les gens du cirque. Aucun hostilité n’émanant d’elle, mais rien de particulièrement chaleureux non plus. Elle respirait l’être solitaire. Elle gagnait à être connu, si l’on réussissait à briser ses barrières et à l’approcher. Une chose qui n’était pas aussi difficile à réaliser que ce qu’elle voulait laisser comme impression. Elle livrait une bataille constante. On le voyait bien à la façon qu’elle avait de laisser entrevoir son côté sensible et chaleureux pour aussitôt porter un masque de neutralité aussitôt qu’elle se sentait vulnérable.

Elle prit place au pied d’un arbre, pas très loin de la tente de Conrad. Elle s’assied en tailleur, sortit sa pierre à aiguiser et toutes ses flèches sur ses genoux. Une à une, elle entreprit d’affûter les pointes et de lisser les plumes. Chantonnant, dans un murmure, un petit air de bataille que son père lui chantait jadis.

Aa' i' sul nora lanne'lle
Lle Tel’curucuar
Amin sinta thaliolle e dagor
Nan’rashwe tula a’lye
Ar’amin dele ten’lle

Mellon en mellonamin
Goth en gothamin
Tula, vasa ar’yulna en i’tela mereth
Ten’ ta nauva anlema
i’gothrim naa ettulaya

Amin khiluva lle a’gurtha ar’thar
Cuamin linduva yassen megrille
Tenna’ lye nuquernuva sen
Yallume…

Yallume
I’narr en gothrim glinuva nun I’anor

Arrivé à sa tente, Conrad s'aperçut qu'il n'y avait pas la bassine d'eau. Cela le fit soupirer : il fut un temps où tout lui était donné avant même qu'il aie eu le besoin de demander quoi que ce soit.
A présent, il devait tout faire par lui-même.

Il prit finalement son courage à deux mains et sortit en quête d'une bassine d'eau inutilisée et, espérons-le, contenant de l'eau déjà chaude.

En chemin, il passa près de l'elfe. C'est en étant au plus près d'elle qu'il entendit la mélodie que l'être murmurait. Conrad ne connaissait pas cette mélodie et se rendit compte que c'était une occasion inespérée pour pouvoir élargir ses connaissances musicales. Peut-être même pourra-t-il y élargir quelques améliorations qui sait ?
Il sortit vite son ocarina et le porta à ses lèvres avant de commencer à tenter d'accompagner le chant de son instrument.

[Jet de représentation (ocarina)]

Malgré tous ses efforts pour s’adapter et se faire accepter, Amarillys semblait être parti pour ne se faire que des opposants. Elle ne pensait pas à mal et encore moins de façon vaniteuse. Du moins, selon elle. À ce qu’elle en savait, elle n’avait, en aucun cas, laisser paraître son mécontentement devant Marti. Mais, ce dernier semblait être doué d’un très fort sixième sens, car il l’avait sentit. C’est à croire qu’il avait lu dans ses pensées. Ce que d’ailleurs l’elfe ignorait. C’est donc avec la certitude qu’elle avait su montrer sa volonté de bien faire à Marti ainsi que son souci de ne déplaire à personne que l’elfe vaquait calmement à ses occupations. Mieux valait qu’elle ignore que Marti était particulièrement mécontent. Elle garderait de la sorte un minimum de moral. La situation était déjà assez difficile avec sa personnalité distante.

Tout en affûtant habilement ses flèches, l’elfe entendit plus qu’elle ne vit venir Conrad. N’ayant aucun talent musical, l’elfe appréciait toute personne qui savait jouer d’un instrument. Ce dernier tentait visiblement de l’accompagner. Il s’en sortait bien, si l’on tenait compte du fait qu’elle n’avait pas de talent particulier dans le chant et qu’à cause de cela elle se contentait de fredonner, que dire murmurer, doucement les paroles.

La venue du jeune homme fit plaisir à Illys. L’attitude simple du jeune homme lui fit du bien et la mit en confiance. Elle leva les yeux de son travail une fois sa petite mélodie terminée.

"C’est la chanson d’un archer qui encourage ses confrères et les guerriers qui vont à la bataille. Mon père me la apprise.

Puisse le vent vous être favorable
À vous, archers émérites
Je connais votre valeur au combat
Mais, les troubles viennent à nous
Et, je suis inquiet pour vous

Amis des mes amis
Ennemis de mes ennemis
Venez boire et manger de ce festin
Car viendra une longue journée
L’ennemi approche.

Je vous suivrai jusqu’à la mort et au-delà
Mon arc chantera avec vos épées
Jusqu’à ce que nous les vainquions
À la fin...

À la fin...
Les os de nos ennemis brilleront sous le soleil.

Plutôt sombre n’est-ce pas? Mais, malgré tout porteur d’espoir. "

La mélodie terminée, le ménestrel rangea son instrument.

Le résultat ne l'avait pas vraiment satisfait mais il se disait qu'il avait pris le chant en cours et que ce n'était pas forcément la meilleure chose à faire quand on veut accompagner d'un instrument.

Toutefois, le fait de jouer lui avait changé les idées, il se sentait mieux à présent. C'était l'essentiel.

Il écouta l'elfe lui traduire les paroles en souriant et avec intérêt. Quand elle eut fini, il prit la parole à son tour.

Je vois beaucoup d'espoir en effet mais je suis moins d'accord avec vous quand vous dîtes que les paroles sont sombres. Les appels à la gloire n'ont jamais fait partie des ténèbres.

Enfin tout dépend du point de vue bien sûr...

Je tiens tout de même à dire que j'apprécie l'air et que les paroles me plaisent tout autant. Votre père doit être un grand personnage.

" Vous avez surement raison. Il n'y a rien de sombre dans cette chanson. C'est sûrement parce qu'on y parle de mourrir, que cela me donne uni impression négative. Trop de gens meurent pour un simple moment de gloire, si vous voulez mon avis. " répondit-elle sérieusement.

"Oui! Atar (Père) était un grand elfe. Mais, ceci vient de la bouche d'une fille adorant son père, envers et contre tous. Donc, pas très objective comme opinion." Continua-t-elle dans un sourire moqueur.

Elle lui tendit la main.

" Amarillys Nim'loki. Je viens d'être engagée comme effectif supplémentaire pour la protection du convoi. À qui dois-je le plaisir d'entendre ce bref, mais intéressant, moment de musique? "

L’elfe sursauta violemment au cri qui se fit entendre.

" Ed’Seldarine! " (Par les Dieux!)

Amarillys jeta un bref coup d’œil interloqué vers le barde et s’activa derechef. En ni une ni deux, l’elfe remis flèches et carquois sous la garde de Conrad.

" Ça ne vous ennui pas trop? "

Les ranger aurait pris trop de temps, un temps qui pouvait être primordial. Ne laissant même pas la chance au barde de répondre, Illys se dirigea rapidement vers la caravane. Un tel cri ne pouvait pas prendre source d’un événement quelconque. Il ne pouvait s’agir que de quelques choses de grave. Une attaque ou bien un accident d’importance. Le cœur battant la chamade, l’elfe tenta de se frayer un chemin parmi la foule tout en cherchant Marti du regard. Il ne doit pas être bien loin, lui seul doit avoir l’autorité suffisante pour faire s’écarter tout ces gens. Tout en essayant de s’approcher de la scène, à grand renfort d’excuses, Amarillys tenta, en même temps, d’écouter les exclamations des gens les plus près de la scène. Ces derniers pourraient, peut-être, lui mettre la puce à l’oreille sur la gravité de la situation.

[Perception auditive]

L'imposant Marti était déjà là. Assi sur les deux premières marches de la roulotte, il tenait conre lui une jeune enfant en larmes, et d'une main libre il balayait l'air pour écarter les badauds.

"Du vent! Cassez-vous! Y'a rien à voir."

Sa voix était pleine de colère, et la petite fille près de lui sanglotait de plus belle. En se hissant sur la pointe des pieds, Illys pouvait voir à l'intérieur quelqu'un d'allongé. Cassandra? Marivon était agenouillé près du corp, visiblement en état de trouble intense.

Marti réconforta de son mieux la fillette, accrochée très fort à son grand gilet en cuir durci.

"Dit, tu crois qu'elle va bien?"

"Elle n'a plus mal, c'est sûr."

Le reflux de la foule rejeta Filinia près d'eux. Il était arrivé quelque chose à Cassandra. Accident ou agression? Dans le second cas, cela laissait entrevoir de sinistres perspectives.

Inquiète, la rôdeuse regarda la fillette le cœur serré, tel une mère l’aurait fait. Ne voulant pas affecter, plus que de nécessaire, la petite en faisant la bêtise de dire quelque chose pouvant la perturber encore plus, Illys ne posa pas de questions sur le champ. Elle se contenta de lui effleurer les cheveux et d’aller rejoindre Marivon en contournant Marti., laissant le soin à ce dernier de continuer ce qu’il semblait faire à la perfection, c’est-à-dire consoler l’enfant.

Une fois à l’intérieure, Amarillys laissa choir son sac à l’entrée de la roulotte. L’elfe posa doucement sa main sur l’épaule du metteur en scène et s’accroupit près de la victime.

" Que s’est-il passé? " demanda-t-elle doucement.

Ensuite, instinctivement, l’elfe tâta le cou de la victime, au niveau de la carotide, à la recherche d’un pouls, tout en scrutant le femme à la recherche d’un signe quelconque de blessure ou autre. Elle était prête à mettre ses notions de premiers secours aussitôt qu’elle en détecterait le besoin.

[ Détection / Fouille si nécessaire]

Les derniers badauds se dispersèrent malgré eux, et Filinia se retrouva bêtement seule avec ses lumières. La foudroyant du regard, Marti lâcha sèchement :

"Vous croyez vraiment que c'est le moment de se donner en spectacle?"

Le ton fut beaucoup plus dur qu'il ne l'aurait voulu. Tenaillé par la colère et l'impuissance, il écrasa une larme et se leva avec l'enfant pour aller plus loin.

A l'intérieur, Marivon leva vers Illys un regard à faire peur. Vide de tout émotion, il énonça d'une atone :

"Il n'y a plus rien à faire. Elle doit être morte depuis quelques heures."

L'elfe n'avait jamais rencontré Cassandra auparavant, et se retrouva face à une grande femme dans la force de l'âge, cheveux noir légèrement bouclés, accentuant encore plus la pâleur de son visage. Les lèvres un peu tirées, les sourcils à peine froncés, elle semblait tout juste dormir. Même sa grande robe rouge était à peine froissée, comme si elle avait voulue être élégante jusque dans la mort.

Une unique blessure de quelques centimètres de long, juste à la base du cou, meurtrissait sa peau d'ivoire glacée sous les doigts d'Illys. Très peu de sang avait coulé. Tout juste si quelques gouttes tachaient le sol. Signe d'une mort quasi-instantanée.

Marivon se leva, les poings fermés. Les grandes douleurs sont muettes, et l'humain n'était plus à ce moment là qu'un golem de fer.

Quand était survenu le cri provenant de Cassandra, le ménestrel sursauta. Un cri hideux et terrifiant... On y ressentait la terreur et la mort.

Conrad ne réagit pas tout de suite et c'est pourquoi il prit les affaires de l'elfe sans rien dire. C'est quelques instants plus tard qu'il se rendit compte que le cri provenait de Cassandra.

Sans trop réfléchir, il courut à sa tente pour déposer les affaires de l'elfe et chercher sa rapière. Il ne savait pas ce qu'il trouverait sur les lieux et il valait mieux prendre ses précautions.

Le jeune homme courut ensuite vers la roulotte de Cassandra en espérant qu'il ne lui était rien arrivé. Bien qu'il n'aie pas énormément parlé avec les autres membres de la troupe depuis son arrivée, cela ne l'empêchait pas de les apprécier.

Quand il arriva à proximité de la roulotte, il frissonna d'angoisse. Les foules ne viennent jamais s'amasser autour de quelque chose d'anodin. Hors le cri annonçait quelque chose de grave, très grave...

Sans s'en rendre, il se mettait à hurler le nom de sa compagnon de voyage.

"CASSANDRA !"

Espérait-il qu'elle lui réponde pour lui annoncer que tout allait bien ? A vrai dire, il n'en avait aucune idée. La seule chose qui lui venait à l'esprit était de se rapprocher pour enfin être sûr de ce qui se passait.

Il se déplaça au milieu de la foule comme il put, essayant de faufiler pour bousculer le moins de personnes possibles. Ce fut difficile et il crut que son avancée serait sans fin mais il finit par y parvenir quand les voyeurs en quête de frisson commençèrent véritablement à s'en aller.

Le spectacle qui fut alors offert aux yeux du ménestrel saisit celui-ci d'horreur. Des larmes coulèrent doucement le long de ses joues. Pourquoi ? Il n'était pas épris de la danseuse et il ne la connaissait que trop peu pour la considérer comme son amie. Il l'appréciait, c'est tout.
Non, ces larmes devaient sûrement dû être le fait qu'il n'avait jamais vu ce genre de spectacle auparavant.

Bien que la mort était inéluctable, voir un tel spectacle incitait à espérer le contraire pour ses proches comme pour soi d'ailleurs.

"C... Co... Comment est-elle morte ?" parvint-il enfin à lacher.

Il regardait les personnes qui étaient présentes, essayant de regarder le moins possible le corps inerte, et attendait une réponse.

L’elfe était triste pour ces gens, mais ne connaissant pas la jeune femme, elle n’en était malheureusement pas catastrophée comme l’était ses proches.

« Aa Tel’Seldarine creosa lle e’Tel’Yaana! » furent ses vœux envers la défunte.

Quelqu’un d’étourdit aurait qualifié Amarillys de sans cœur. Mais, l’attitude de l’elfe exprimait, tout simplement, sans la moindre doute possible que Cassandra n’était pas son premier cadavre. Non, Amarillys agissait tout simplement comme une personne ayant eu son lot, plus que faramineux, de décès. Des proches ou non. À la longue, l’elfe avait apprise à composer avec ce genre de situation, à défaut de s’y faire. Les gens du cirque, du moins quelques uns, ne pouvaient que se douter qu’elle n’était pas de ceux qui avaient eux une vie rose.

Mettant à profit le faite que le chagrin ne brouillait pas son esprit, Amarillys observa attentivement la blessure. L’elfe ne connaissait aucune arme pouvant tuer quelqu’un sans la moindre effusion de sang. Du moins, pas en si petite quantité. De la magie? Une arme magique? Le résultat d’une bête? C’est dans une immobilité complète, toujours accroupit le bras droit appuyer sur sa cuisse, son coude gauche appuyer sur l’autre afin de soutenir son menton qui reposait dans sa main, que l’elfe réfléchissait. Faisant fi des cris et autres manifestations de chagrins qui l’entouraient, elle pensait.

[Connaissances de la nature: Recherche d'une source possible pour la blessure: animal, humanoïde montrueux, vermines....?]

Elle avait entendu la question de Conrad, mais ne voulait pas tanter de réponse pour le moment, pour la simple raison qu'elle ne le savait pas.

Il n'y avait rien ici qui prouva que quelque chose, homme ou animal, fût entré récement. La blessure était étroite et en profondeur, avec des contour irrégulier. Un coup de griffe aurait laissé une marque sur la longueur, déchiquetant la chair. Un aiguillon ? Il aurait fallut qu'il soit plat. Illys dut se rendre à l'évidence qu'elle ne cherchait pas au bon endroit. Rien de naturel n'aurait pu faire ce genre de trace. Ou alors il s'agissait d'une bête qui lui était inconnue.

Elle repensa à certain sorciers drows et leur familliers démoniaques. Les petits fielons volant ont parfois au bout de la queue une sorte d'appendice caudal en forme de pointe de flèche...

"On l'a poignardé. Le poison à fait le reste."

C'est ce que Marivon répondit à Conrad. L'elfe pouvait se frapper le front, les choses sont parfois tellement simple ! Un banal coup de dague, enduite de poison. Il est de nombreuses substances qui gèlent le coeur instentanément, expliquant l'absence de saignement prolongé. Moins nombreux en revanche sont les tueurs capable de se procurer de tels poisons. Dans le milieu du crime, seul les meilleurs en avait. Et c'était bien là le problème. Qui pouvait en vouloir à Cassandra, modeste artiste ambulante, au point de payer une fortune pour faire déplacer un assassin professionel?