La fin d'un voyage, le début d'une histoire

Alors qu'Ira ralentissait pour attendre son troisième compagnon de route, son sourire s'élargit à la vue de sa décision. Bien qu'il sembla un instant entrer dans une subtile transe, comme envahis de vieux souvenirs ou pris de quelques sentiments enivrants, il ne tarda pas à venir la rejoindre. Mais elle eut néanmoins le temps de faire quelques réflexions avant qu'il ne vienne lui parler.

*Et ben, ce joli coeur est bien étrange! Mais il est sympa... vachement sympa! Enfin, un peu imprévisible... c'est une qualité au fond, d'être imprévisible, ça donne du relief, du caractère, un peu comme aux héros de légendes... Ça me rappelle papa qui me racontait ça le soir... ah merde, faut pas y penser! Pauvre débile!*

Lors d'un bref instant, son sourire se troubla...

*Ça me manque... qu'on me raconte des histoires... Mais bon, d'un côté, j'ai rarement autant rencontré de gens et autant vécu qu'aujourd'hui! Ca c'est une histoire!... Même si elle est horrible... Même s'ils m'ont pour la plupart abandonnée, ou voulu me tuer, ou sont...*

Et Kirian pu voir en revenant près d'elle, sur son visage qu'elle avait retourné un instant, une ombre macabre et accablante qui dura jusqu'à ce qu'il l'en tire par ses quelques paroles. La jeune fille releva un peu la tête, semblant sortir de quelques sombres méditations, et lui adressa un légers sourire avant de lui répondre, mêlant la moitié de sa phrase en un soupir.

- Moi... Je viens de... l'Impiltur, bien plus au Nord. Et puis, me connaître, pour ça faudra un moment, un bon moment. Même moi j'ai souvent l'impression de pas me connaître... Mais... serais-ce trop indiscret de vous d'mander d'où vous venez vous aussi, et puis... quel était ce sentiment?!

Et voilà que la curiosité de la demoiselle se réveillait à nouveau, insatiable. Il lui fallait de quoi constamment lui occuper l'esprit: quand elle ne jouait pas les muses charmeuses, ne racontait pas tout ce qui lui passait par la tête ou ne broyait pas du noir, il lui fallait s'intéresser à tout ce qui pouvait détenir une petite once de mystère, et en ceci, son imagination, à force de suppositions et de curiosité, était devenue bien plus que débordante, ce que son penchant... étrange... ne faisait rien pour arranger.
Aussi, son air changea du tout au tout, et le désespoir morbide laissa place à un air amical et chaleureux. Pourtant, quelque chose la retenait un peu, elle sentait en son for intérieur que quelque chose n'allait pas de soi... Enfin, qu'importe! De toute façon, il ne fallait se fier à rien en cette journée; ce pouvait tout aussi bien être la fatigue que des chimères, à nouveau...

Le sourire du barde s'effaça un peu lorsqu'il put voir les traits de la jeune femme, une émotion, un sentiment, quelque chose qu'il n'avait encore jamais pu voir et dont il était incapable de copier les traits. La rareté et le naturel dont étaient conçus ces traits déstabilisa le jeune barde qui ne savait plus quoi dire ni ressentir. Il tenta vainement de qualifier ce qu'il aperçut mais en fut incapable.
*Qu'est ce ... C'est terrible, majestueux... effrayant... angoissant, terriblement angoissant...*

Le jeune barde dut rester quelques secondes à contempler ce visage, la jeune femme s'était mise à parler, lui répondit dans un souffle... Kirian saisit les quelques mots mais n'en resta pas moins troublé.
- Je suis moi même euh.. originaire du Mitan d'un petit endroit... J'ai parcouru l'Amn dans sa grande partie et j'ai joué à Athkatla...

La phrase du barde resta en suspens, l'image d'Alice accompagné d'un grand sentiment de douleur le frappa de nouveau. Il ferma les yeux, ses mâchoires se crispèrent et il serra les poings, le sentiment qui le frappait était plus intense que le précédent mais surtout douloureux. Quelques secondes après il rouvrit les yeux, le souvenir passé. Et il enchaîna sur la dernière question de la jeune femme.
- Le sentiment de tout à l'heure ? Et bien je sais que cela ne me regarde pas mais j'ai moi même été frappé par le votre...

Le barde ne préféra pas lui demander de lui en faire part, mais il laissa cette demande subtile comme une invitation et surtout pour lui faire comprendre qu'elle n'était pas passée inaperçue
- Savez-vous pourquoi l'on vit mademoiselle ? Connaissez-vous tous ces moments où on a l'impression d'exister, pour soi même ou aux yeux de quelqu'un ? Ce moment intime où l'on sent qu'on ne pouvait être ailleurs, qu'il fallait être ou aller à cet endroit ? Et bien c'est ce que j'ai ressenti il y a un instant sur la route. L'importance de ce moment, la rotation du destin qui s'est mise en marche, qui m'a amené ici, qui m'a détourné d'éventuels directions sur ce chemin, qui m'a poussé à me lever ce matin... Tout cela doit bien vous paraître délirant...

Le barde avait fixé la jeune femme au fin fond de ses yeux, son regard était brillant contrairement à son habitude, ses yeux marrons étaient pétillants comme lorsqu'il jouait une pièce, visiblement ravi de parler de ce sujet ou simplement d'en parler.

Bien que le trouble du barde lui soit en partie transmis, Ira ne pu s'empêcher de s'émerveiller de ses dires.

*Le Mitan?! Wouaaa, c'est vachement loin ça! Et l'Amn!... C'est tout de l'autre côté de la Mer... Au bord du Grand Océan! Enfin je crois...*

Mais elle n'eut que le temps d'esquisser un sourire à cette idée, car un rictus de douleur parcourut le visage de Kirian. Inquiète, elle porta sa main à l'épaule du jeune homme, et, gentiment, lui demanda:

- Eh, ça va?

Puis il se reprit et continua, soulageant par là même la jeune Ira. Mais ce soulagement fut de courte durée, bien que l'objet de ce dernier fusse radicalement changé. Avait-il donc clairement perçu sa morosité enfouie?
Mais ce n'était pas terminé: il enchaîna directement avec un discours des plus fantasques et séducteurs qui lui ait été donné d'entendre. Tout lui paraissait clair, au fond, et ce depuis l'instant même où il était venu lui offrir ce bouquet, petit arrangement de bleuets, pissenlits et autres pâquerettes qu'elle tenait d'ailleurs toujours en mains, sans même y avoir pensé. Mais pourquoi n'avait-elle pas véritablement réalisé l'enjeu? Elle s'en était même un peu doutée pourtant, mais n'avait rien voulu voir, ça paraissait si absurde! Chamboulée, elle n'osa pas répondre, n'osa pas même bouger les lèvres. Son coeur allait exploser si tout cela continuait, déjà son teint pâle s'empourprait, et ses yeux, toujours dans ceux du jeune homme, se détournèrent pour venir fixer le chemin qui défilait à ses pieds.

*Oh merde! Oh la merde! Mais c'est dans quoi qu'j'me suis embarquée là? Non! C'est pas possible! Et si j'me trompais encore? Hein? Non, c'est pas possible, ou alors j'comprends vraiment rien à rien...*

Ainsi, elle accéléra le pas, terriblement embarrassée et comme froissée par les propos de son interlocuteur. Sous l'effet de la tension, elle laissa également et inconsciemment choir le bouquet. C'était la première fois qu'on s'y prenait de telle manière avec elle, et sûrement la première fois qu'elle se sentait à ce point troublée et comme... vulnérable, comme si lui, Kirian, était parvenu à s'immiscer dans son esprit.

Le barde avait à peine sentie la main réconfortante d'Ira, enfin, il n'en avait pas tenu compte. Devant ses yeux la jeune femme s'éloignait de lui lachant au passage son petit bouquet. Le barde restait interloqué, la jeune femme lui avait poser une question et s'enfuyait avant même d'en connaître la réponse finale !
Il était désemparé ne savait pas trop quoi faire, il savait que 'le Flamboyant' l'aurait poursuivie, attrapée dans ses bras et lui aurait expliquer comment il régissait sa vie, cette vie pleins de sentiments d'appartenance au monde.
Le barde avait put voir les yeux de la jeune femme s'enfuir, son teint se rosir et puis elle s'était aller rejoindre les autres plus avant.
Kirian s'avança un peu et ramassa le bouquet perdu au milieu de la route, il en huma le parfum et se rappella en quoi cette journée avait si bien commencé.
*J'aimerai tant que la vie humaine soit plus simple, aussi simple que celle d'une fleur : Naître, vivre et être cueuillie pour une beauté.*

Le barde resta planté son bouquet de fleurs auprès de son nez, il se mit à repenser à toute sa vie précédente qu'il avait effacer et qu'il tentait de reconstruire si loin de chez lui. Il avait tout perdu là-bas, il s'était battu contre des chimères et avait été déçu, il le savait il n'était pas 'le Flamboyant' et probablement ne le serai jamais. Il voyait s'éloigner une nouvelle fois une demoiselle froissé par sa personne, décidémment il n'arrivai en rien à se rapprocher des gens depuis cette histoire, tout bon à les divertir et avec eux s'éloigner du quotidien. .
*Voilà où j'en suis dans mes relations sociales : donné du rêve aux gens l'espace d'un instant et toujours les ramener vers la réalité froide et dure. Pathétique.*

Il regarda une dernière fois le groupe de trois jeunes gens, son coeur battait de plus en plus fort, il pensait à se réfugier de nouveau dans son rôle de 'Flamboyant' mais cela le désespérait encore plus. Il huma une dernière fois le bouquet, en retira une petite fleur, la rangea dans une poche de sa chemise, lâcha à son tour le bouquet et commença à marcher dans le sens opposé du groupe.

Les bras croisés, le coeur lui battant encore aux tempes et le cerveau tournant à plein régime, la petite vagabonde avançait à pas pressés, s'attendant néanmoins à sentir à nouveau la présence du jeune troubadour.

*Mais pourquoi, à la fin, pourquoi aucun mâle ne peut s'empêcher de venir me faire du rentre dedans, quand c'est pas me balancer comme un vieille besace? Hein?... hein... Enfin... c'est vrai que c'était plutôt habile... Mais bon, eh! On va pas courtiser la première venue comme ça, hop!... Mais c'était pas vraiment du rentre dedans... Pas du tout en fait... Il voulait peut-être même pas sous-entendre quelque chose... Pfff, j'devrais un peu freiner mes illusions quand même. J'ai été un peu dure avec lui, faudrait que...*

Elle releva la tête, et son visage adouci et fatigué se tourna pour voir le barde qui s'en venait... Mais quel barde? Il n'y avait personne!

*Oh non! Meeeerde! Non! Pourquoi il est parti?! Mais fallait pas partir! Rhaaaa, quelle conne! Mais bordel quelle conne tu fais ma vieille! C'est tout de ma faute encore!*

Alors, toute angoissée, Ira commença à scruter rapidement les alentours, puis se retourna avec une extrême vivacité. Oui! Il était là bas, en train de rebrousser chemin, la tête basse! Sans même réfléchir, elle courut de tout ce qui lui restait d'énergie pour le rattraper, pour s'excuser, pour qu'il reste avec eux. Seulement, la jeune femme avait un peu mal dosé sa vitesse, et dû se rattraper à Kirian pour freiner, lui emportant à moitié le bras. aussitôt, profitant de l'appui, elle se retourna face à lui et dit alors, d'un seul bloc:

- Désolée suis désolée partez pas siouplait j'ai été une vraie charogne désolée....

Au final, quelque chose l'empêchait de se séparer de ce curieux personnage, comme un lien d'amitié étrange et instantané. Malgré ses manières séductrices, quelque chose, un "je ne sais quoi" faisait qu'elle l'appréciait... Peut-être était-ce qu'il se ressemblaient un peu, après tout.
Et reprenant un peu son souffle, elle continua plus calmement:

- Franchement, j'aurai pas dû... S'il vous plaît, revenez! Ce serait trop bête! Et la raison pour laquelle le ... "destin" vous a mené ici, hein? Dit-elle, laissant entrevoir un sourire désolé, d'une sincère gentillesse. J'avais cru comprendre des trucs qui n'avaient pas lieu d'être, et j'ai juste eu un peu peur. S'il vous plaît, m'abandonnez pas vous aussi! Mais c'est alors que son visage changea progressivement, prenant des traits d'une tristesse et d'un désespoir à briser le coeur. Tout le monde m'abandonne depuis que je suis arrivée dans cette putain de région à la con! Et les deux autres là bas sont les seules personnes qui ont bien voulu de moi, mais j'sais pas pour combien de temps encore...

Elle espérait, de tout son coeur elle espérait, que ce nouvel ami ne s'en irait pas comme tout les autres, que celui-ci resterait et qu'il ne la laisserait pas foncer tout droit dans un nouveau désert de solitude. Car elle en était consciente: Taern s'en irait avec sa belle, Rincevent se contenterai de manger ses noix avant de trouver un endroit tranquille où se cacher, et elle serait seule à nouveau, d'une manière ou d'une autre.
Ainsi, elle resta plantée là, à attendre, scrutant tour à tour les deux autres qui s'en allaient au loin et la réaction de Kirian.

La jeune femme l'avait saisi à même le bras, surprenant le barde par la même occasion qui dut faire appel à sa plus grande dextérité afin de ne pas tomber en compagnie de la jeune femme. Il écouta les paroles de la jeune femme, nota la moindre de ces expressions et tenta de lui sourire à quelques passages. Elle était pareil que lui, seul dans cette région et avait besoin d'une présence à ses côtés pour se sentir bien en définitive comme il le dirait lui même : 'en vie'. Le barde resta silencieux sur ce passage, même si osn sourire s'illumina par rapport au rictus précédent.
Il savait qu'il fallait qu'il reste auprès de la jeune femme, ce retour inopiné était le symbole qu'ils étaient liés... D'un geste remplie d'affection, le barde attira la jeune femme auprès de lui et de fines larmes commencèrent à perler le long de son visage. D'une voix en pleurs il bafouilla quelques mots comme il put, entre une espèce de promesse et de justification de son geste.

- C'est... c'est.. je.. je comprends ce qui peut se passer en vous... je crois... je ... crois.. tu... qu'il me soit possible de... de ... rester ?

La joie naturelle du barde était présente à ce moment, ses larmes étaient chaudes, emplies de joie, il affectionnait ce moment où, il n'était pas une poussière parmi ce monde et qu'enfin, le rôle dont il avait hérité du destin à sa naissance était entrain d'être joué. Il en profita quelques long instants puis relacha la jeune femme et s'esuya les yeux.

- Merci infiniment mademoiselle de m'avoir offert pareille cadeau, même si ma présence vous aura déranger, vous m'avez donner un cadeau sans pareil, que j'en suis votre débiteur, demandez-moi n'importe quoi je passerai ma vie à l'obtenir !

Sans raison apparente, la voix du barde changea et pris de l'assurance, et d'un coup un flot de paroles sortit de sa bouche qui se fit claire et audible sur la petite route.

"quand on en aura assez
de chasser les gargouilles
aux jungles des cathédrales
quand on s'envolera libéré
du poids du passé

quand il ne restera plus
que quelques souvenirs
aux boutiques des musées
quand on en aura fini
des nostalgies du poids du passé

vivre danser mourir
on montrera ce qu'on sait faire
le mieux du moins du mieux qu'on peut
chacun fera ce qu'on pourra
et vice-versa

on secouera les haillons
la crasse et la poussière
on boira la honte et la bière
et on fera un bûcher
du poids du passé

sans demander de permission
et sans prendre l'avis
ni des sages ni des saints
on ne fera pas de quartiers
de prisonniers
du poids du passé

on pourra imaginer
les joies les mélancolies
pour des âmes toutes blanches
une mémoire à inventer
pour oublier
le poids du passé

enfin on pourra célébrer
le printemps retourné
l'innocence et le début
quand on aura lessivé
balayé
le poids du passé "

Le silence retomba après cette longue chanson que kirian avait sortit en cet instant où sa joie immense s'était transformé au contact de cette jeune femme en muse créatrice.

Quelque chose d'étrange arriva, alors qu'elle s'attendait à un écart dédaigneux tout en espérant un sourire. En fait, tout se déroula au delà de ses espérances: et oui, il acceptait de rester, et pas qu'un peu! D'ailleurs, les larmes d'émotions du barde la laissèrent pantoise, ouvrant de grands yeux surpris et enchantés. Ceux-ci étaient d'ailleurs également humides et brillants, d'avoir parlé de tous ses problèmes, d'avoir relâché un peu la pression gigantesque qui l'étouffait depuis la veille. De voir le jeune homme fondre en larme tout en la prenant vers lui l'émut et l'émerveilla. Ira se sentait à nouveau comme dans les contes que son père passait des heures à lui raconter, dans lesquels les hommes étaient doux, francs, sensibles, loin des brutes de la réalité, des hommes qu'elle pensait ne jamais rencontrer, qui ne pouvaient exister. Elle resta donc, à regarder Kirian dans les yeux sans rien dire, un air rêveur et candide fixé sur le visage.

*... C'est... c'est marrant... J'me sens bien... Haaaa! Bordel! Ça fait du bien de trouver enfin quelqu'un qui me comprenne un peu!*

Pourtant, alors qu'elle s'apprêtait à répondre, il la relâcha doucement et déclama un long poème de joie et d'espoir. Pour en profiter, elle se tût, et s'émerveilla à nouveau, semblant attraper un à un les mots qui virevoltaient dans l'air, complètement prise sous le charme doux et naïf de cet instant intemporel.
Lorsqu'il eu terminé, elle poussa un petit soupir agrémenté d'un sourire un peu niais, le regard fixé sur ses rêves d'adolescente, éveillés par l'art du poète. Puis elle sembla comme se réveiller, atterrir doucement du pays des nuages et féeries, regardant un peu partout autour et reprenant contact avec le monde qui l'entourait. Une fois qu'elle se fut bien ressituée, elle adressa un sourire plein de tendresse amicale à Kirian, et prit le temps de répondre sans brusquer l'instant si paisible:

- He... Superbe... c'était superbe... Je sais pas qui d'entre nous deux à offert le plus beau cadeau à l'autre mais... je t'en remercie moi aussi, Flamboyant! Oui, j'aimerai bien que tu restes.

Elle l'avait volontairement tutoyé, et ajouta à cela un autre de ses ravissant sourires de petite muse. Après tout, n'étaient ils pas amis désormais?

- On a tous deux des passés merdiques à brûler, alors, faisons le ensemble!

Soudain, prise d'un élan immodéré, la jeune fille prit le barde dans ses bras, le serrant de franche manière. Il pu alors se rendre compte de la musculature que cachait les amples vêtements d'Ira, bien développée pour une demoiselle qui paraissait si jeune. L'accolade dura ainsi quelques secondes, avant qu'elle ne s'en dégage presque aussi brusquement qu'elle ne l'avait débutée, mais ce n'était ni de la colère ni de la peur, juste un tonus retrouvé.
Elle le regardait, et ce rendait à présent compte de son erreur passée: il n'était pas le libertin manipulateur qu'elle avait cru voir de premier abord, mais bien un errant aux rêves brisés qui tentait de les recoudre, tout comme elle... Mais comment le voir? Ira n'en avait encore aucune idée... Elle ressentait de l'affection pour ce semblable, mais était incapable de dire de quel type il pouvait s'agir... Un ami? Un frère? Tout à la fois peut-être...
Mais subitement, une idée lui revint: Et les autres? Où étaient-ils?!

- Hey! Faudrait qu'on se dépêche! Je les vois déjà plus! Ce sont quand même deux des trois seules personnes qui me restent! Allez, viens!

Et elle reprit la route, faisant tout son possible pour attendre celui qui composait actuellement le corps de sa nouvelle famille...

Kirian souriait encore profitant de ce tendre moment et unique moment. Il avait rencontrer cette jeune femme il y avait quelques temps et ils s'étaient d'hors et déjà jeté les bras l'un dans l'autre. La voix de la jeune femme le ramenait à la réalité et son injonction de rejoindre les deux autres finit de le faire redescendre. Il souria à la jeune fille, il était fier de l'effet qu'il avait donné et surtout de celui qu'elle lui avait donné...
Il repnensa aux vers qu'il venait de lancer dans les airs, ces vers qui depuis déjà quelques mois trottaient dans sa tête et jamais ne sortaient de sa bouche, ils les avaient ainsi assemblés devant cette jeune demoiselle, à son contact.
Il comprennait maintenant pourquoi il était là, cette jeune femme mais aussi ces deux hommes qui l'accompagnait possédait de quoi rendre 'vivant' le barde.
Fort de cette pensée il s'empressa de rejoindre la jeune femme, puis bloqua quelques instants, repensa au bouquet au sol, s'abaissa et ramassa une fleur identique à celle qu'il avait glissé dans sa poche, puis se détourna de celui-ci. Il rattrapa la jeune femme et lui tendit la fleur qu'il venait de ramasser.

- On brûlera nos passés respectifs, et on ira de l'avant je vais garder une fleur en souvenir de ce moment et je t'offres celle-ci, tu en auras besoin pour te rappeller de cet instant en cas de coup dur.

Le sourire aux lèvres, le barde avait l'air un peu niais et son ultime parole le fut encore plus. D'un hochement de tête indiquant les deux autres de devant le barde lanca à la jeune fille

- On fait la course ?

Enfin un événement positif s'était déroulé en cette journée, et ceci suffit à supprimer un part des soucis qui hantaient la jeune Ira. Mais il en restait un qui la troublait: Allaient-ils réussir à les rattraper? Il ne devraient pas y avoir trop de problèmes, en théorie. Les deux gaillards devaient probablement les avoir attendus, et puis il ne devrait pas y avoir des myriades de chemins sur lesquels aller se perde... normalement... Ayant appris à ne pas trop se fier à son sens de l'orientation médiocre, elle préférait ne pas les laisser prendre trop d'avance, bien que Kirian fusse toujours présent et connaisse certainement le chemin.
Un instant pensive, elle scrutait l'horizon tout en avançant et replaçant machinalement sa longue queue-de-cheval dorée, mais les paroles du barde la ramenèrent bien vite au moment présent. Elle se retourna, sourit à son accord et pris délicatement la fleur qu'il lui tendait.

- Merci... Mais tu sais, j'aurai pas besoin d'une fleur pour m'en souvenir. Enfin, sait-on jamais... Tiens, je vais la mettre ici!

Dit elle tout en ouvrant l'une des multiples poches du petit gilet qui recouvrait sa tunique, entre deux protections de cuir bouilli. Mais l'eut-elle à peine refermée qu'elle ouvrit à nouveau de grands yeux de surprise, accompagné d'un sourire bien amusé, à l'attention du barde et de sa proposition de course. Décidément, son nouvel ami était aussi farfelu qu'elle,si ce n'était plus encore! Les yeux de la petite muse espiègle fixèrent alors ceux de Kirian, mi-clos, et ses lèvres formèrent un petit et mutin sourire de provocation avant de laisser ces quelques mots s'échapper calmement:

- J'm'entraîne depuis c'matin, t'as aucune chance...

Et sans crier gare, elle partit en trombe tout en riant.

Kirian s'était fait avoir et en beauté ! La jeune femme lui avait pris au moins un bon mètre et il était piètre coureur. Il la voyait devant lui même en faisant tout les efforts du monde. Bien qu'il ait reçu un entrainement de combattant plus jeune, il était loin le temps de son adolescence à combattre des dragons imaginaires avec un courage et une endurance hors du commun. La vie avait transformé un jeune homme musclé en un corps où le muscle n'était plus qu'un souvenir, alors que la jeune femme qui l'accompagnait dissimulait des muscles bien réels. Le souvenir de leur enlacement n'aida pas le barde à se concentrer à la course et il voyait la jeune fille le distancer gaiement. Elle avait raison, il n'avait aucune chance. Mais dans un soupçon de fierté masculine ou tout simplement par jeu, il préféra utiliser ce qu'il savait mieux faire : le théâtre !
Le jeune barde ralentit son pas et lanca une insulte assez forte pour que la jeune fille l'entende. Il glissa son anneau dans la poche de sa chemise avec la fleur et se courba pour faire mine de le chercher par terre.

- Mince mon anneau ! Où est-il ? Il doit pas être loin...

Kirian attendait que la jeune fille se rapproche de lui afin de la dépasser et de la tromper gentiment comme elle même l'avait fait. Il jetait des coups d'oeil vers elle afin de voir arriver le moment opportun où celle-ci serait le plus surprise.

La voix du poète s'était élevée de manière qui contrastait avec ses vers, ce qui fit ralentir et tourner la tête de la jeune caracoleuse de grands chemins. Elle alla même jusqu'à stopper sa course sautillante, se retourner, et scruter le barde et sa comédie, les mains sur les hanches et l'oeil incrédule.

*Mais eh! C'est quoi ce numéro, donc? Il a paumé son anneau? C'est bizarre quand même.... Hehe, on court pas sur les mains en général! Mais si c'était vrai...*

Toujours un peu sceptique, elle fit quelques petits pas et lui cria sur un ton plaisantin:

- J'marche paaas! Faudra trouver autre chooose!

Ce devait être une frasque pour gagner du temps, et si ce n'en était pas une, elle viendrai tout de même l'aider. Mais un petit test s'impose toujours, paraît-il... Du moins c'est ce que lui répétait sans cesse Aaron, et il aurait été fier, tiens, pour une fois qu'elle suivait un peu ses conseils! Aussi, resta-t-elle prête à reprendre sa course au moindre mouvement suspect de Kirian, qui, par contre, savait décidément induire avec brio le trouble dans les esprits.

La jeune femme avait ralenti son allure et s'était arrêtée quelques mètres avant le barde, sa manoeuvre de diversion n'avait pas complètement marché. Il faisait semblant de continuer à chercher son anneau tout en imaginant les possibilités qui lui restait pour tromper la jeune fille : lever le doigt au ciel en montrant un oiseau imaginaire dans le ciel ou bien insister sur la perte de son anneau ou bien charger la jeune fille la renverser en la prennnant par les jambes, mais la lutte n'était en aucun cas son domaine de prédilection.

*Peut-être qu'une quelconque passe magique...*

Finallement Kirian se résignat, il était bon joueur face à une demoiselle qui était en plus d'être d'une compagnie agréable, loin d'être idiote. Dans un dernier soupçon d'entrain dut à cette pensée, il se leva rapidement et fonça en direction de la jeune femme afin de réduire la distance tant qu'il put. De toutes façons, il savait recconnaître que les femmes égalaient et surpassaient parfois les hommes tant par leurs vertus que leur physique.
Le barde donna tout ce qu'il pouvait dans cette ultime course qui n'avait pour but que de rendre le voyage plus agréble !

La course était serrée, du fait que le barde avait su rattraper un peu son retard, et les voilà qui couraient à présent côte à côte, s'amusant comme deux enfants en cette journée ensoleillée. Tous deux donnaient presque l'impression d'effleurer le chemin dans leur course effrénée, sans pour autant réussir à ce départager dans un premier temps. Mais de riant cabri, Ira passa vite à un stade d'épuisement toujours plus avancé, et sa course ralentissait petit à petit...

*Rhaaaa... Merde... saloperie... J'aurai pas encore du forcer...*

Les péripéties du jour avaient eu raison de sa vitalité, sans compter sa mauvaise nuit de sommeil, et d'ailleurs, sa douleur aux côtes revenait par lancées histoire de ne pas se faire oublier. Elle haletait, serrant son flanc à nouveau douloureux, tout en tentant de ne pas trop se faire distancer par le barde encore frais et plein d'énergie. La sienne était à bout, décidément.

Arrivé près des deux autres, distancée de cinq bons mètres, elle chercha rapidement des yeux le premier endroit où s'asseoir. Il y avait certainement un coin d'herbe ou un petit talus! Sans réfléchir, elle se laissa tomber sur la première étendue verte, et tenta douloureusement de reprendre son souffle, recourbée sur elle même en massant vainement l'oeuvre de ce rustre de tavernier. Elle ajouta péniblement à ses compagnons, alors qu'elle s'allongeait pour mieux respirer:

- 'tendez... 'tit moment... Peux plus... Pas long, promis...

Seulement, elle savait bien qu'elle ne pourrait pas tenir encore longtemps à cette allure avant de passer une vraie bonne nuit de sommeil, et la journée n'était pourtant pas encore terminée...

Kirian avait réussi finallement à dépasser la jeune femme sur la dernière ligne droite, il était content et sautait de joie devant les yeux médusés des deux autres qui ne devaient absolument ne rien comprendre à la scène. Le barde exhultait sa ruse avait marché !
- Waaaaaaaaaahoooooooooooooouuuuuuuuuuuuuuuu!!!!!!!!!!!

Seulement se fut de courte durée lorsqu'il vit dans quel état la course avait mis la jeune fille qui, la main sur le flanc, peinait à retrouver son souffle. Le barde se calma, il fallait lui aussi qu'il récupère.
Il était habitué au longues marches paisibles mais pas aux courses effrénées et la journée risquait d'être longue. Il alla s'asseoir à côté de la jeune fille qui reprenait son souffle et s'empressa de connaître son état.
-Et bien ça ne vas pas ? Un point de côté ? Une blessure ?

Le barde disposait d'une outre avec de l'eau qu'il avait remplie ce matin, mais très légèrement afin de ne pas s'encombrer. Il défit son sac à dos et retira sa mandoline de son épaule par la même occasion, une envie de jouer le tiraillla mais il se retint préférant tendre l'outre à la jeune femme.
- Tenez buvez -en un peu afin de vous soulager. J'ai croisé la direction du petit village où nous nous rendons je sais que si on continue plus avant sur cette route on peut trouver une auberge, j'y ai passé la nuit. Après je ne sais pas si on est encore loin du village...

Kirian évita le regard des deux hommes,il était encore trop timide pour leur donner des indications directement, il se contenta de regarder Ira et de parler. Il détourna une seul fois le regard et croisa celui de rincevent, il se mit aussitôt à bafouiller.
- Enfin... je veux dire...

Le barde préféra rester dans un silence plutôt que de continuer à se perdre dans la conversation. Il détourna la tête et prit sa mandoline dans ses doigts et en caressa les cordes.
*Il faut que je trouve un air avec les paroles de tout à l'heure, je pourrai ainsi la chanter en publique...*

La jeune demoiselle épuisée était à présent allongée, genoux pliés, à tenter de reprendre son souffle. Le regard tourné vers le ciel, elle se torturait l'esprit à savoir comment elle allait au plus vite pouvoir trouver un endroit où vraiment se reposer. Mais ses pensées furent détournées par l'inquiétude de Kirian. Sur ce, avant de formuler sa réponse toujours un peu haletante, elle se redressa et prit appuis sur ses bras, tendus derrière elle.

- Non, ça va pas trop là... C'est que j'arrête pas de courir à droite à gauche, de me planquer et... voilà, depuis ce matin. Et pis ça, là, Dit-elle en indiquant son flanc, c'est à cause d'un sale connard d'aubergiste bourru... qu'a rien trouver de mieux à faire que d'me broyer les côtes en voulant me livrer à la garde...

Durant le temps que prit ce petits discours las, le barde avait défait son paquetage et présenté son outre, exhortant Ira à y boire. Mais c'est un peu étonnée qu'elle la prit:

- Merci beaucoup... Mais... tu me vousoies de nouveau maintenant?

La jeune fille bu alors quelque grosses gorgées avant de reboucher l'outre, de s'essuyer la bouche d'un revers de manche et de continuer:

- ... Sont en droit de savoir, tu penses pas? Sinon, pour l'auberge... j'en rêve depuis des heures! J'ai vraiment besoin d'me r'poser un peu... Et se tournant vers Taern et Rincevent: Ah, oui... Donc, comme je disais, Kirian et moi, on a décidé de se tutoyer... voilà... Parce que, euh... ben on est amis, désormais!

Elle avait également perçu que son nouvel ami se gênait, étrangement... Pourtant, ces deux gaillards étaient plus cocasses qu'impressionants. Mais elle s'était tout de même arrangée pour donner une petite explication que Kirian avait dissimulée sous son étrange embarras.

La jeune femme avait aidé le barde à s'intégrer dans le groupe visiblement du mieux qu'elle pouvait. Le barde ne savait pas trop sur quel pied danser avec les deux hommes : son récent et rapide attachement à la jeune femme était clair mais les deux hommes n'avaient en rien assisté à la scène.
* C'est comme si l'on arrivait à l'acte final et qu'on avait dormi durant le précédent. *

Le barde souriait à la déclaration d'amitié qu'avait faite la jeune fille, il voulait lui assurer que c'était réciproque sans toutefois léser les deux autres. Il ne voulait pas répondre directement mais le sourire, les mots de la jeune fille l'avaient trop atteint pour qu'il ne puisse pas lui témoigner une intense réciprocité.
- Oui, Ira et moi avons à ce jour un destin commun, celui de s'être rencontrés sur cette route et de voyager ensemble avec pour but d'affronter une nouvelle fois la Vie. Elle est aujourd'hui ma Muse, inspirant joies et plaisirs dans mon âme et dans mon coeur, entraînant la création de ma versification si peu fertile.

Kirian avait de nouveau laissé le Flamboyant s'exprimer, visiblement plus à l'aise que lui et puis les deux autres ne connaissaient que ce personnage extraverti ce qui les troublerait moins, en tous cas pour l'instant. Le barde se pencha et chuchota quelques mots à l'oreille de la jeune femme afin de la rassurer dans son comportement et de manière à ce que les deux autres n'entendent rien.
- Ne t'inquiète pas pour ma santé mentale, j'ai envie de m'amuser avec eux, je préfère qu'ils me connaissent sous cet angle d'acteur joyeux et extraverti... Je laisse à tes soins le meilleur...

Le barde commença à ranger précipitamment les affaires qu'il avait déballées, comme pour faire oublier cette petite messe basse...

Kirian put voir pendant quelques secondes un air d'incompréhension sur le visage de ses deux interlocuteurs. Les sourcils levés, les yeux écarquillés, ils n'avaient pas l'air très sensibles au jeu du barde... Quoique, Après qu'il eût terminé, la consternation de Rincevent se mua en un grand sourire, puis il éclata d'un rire bruyant.

- Vous êtes sûr que c'est le dramatique, votre registre ? Je dirais plutôt comique, enfin si je puis me permettre ! Il peinait à s'arrêter de rire. "Inspirant joies et plaisirs dans mon âme et dans mon coeur...", déclama t-il en l'imitant exagérément. "Vraiment, c'est trop fort ! Enfin, tant mieux si vous avez fait connaissance, tant mieux..."

Taern fit mine de s'indigner de la réaction de Rincevent.

- Mais Rincevent, faut pas se moquer comme ça ! Tu ne vois pas qu'il est sérieux, là ? Et puis la demoiselle n'a pas l'air d'aller, c'est pas le moment de rigoler.

Il prenait visiblement la défense du barde, mais à voir son sourire, il était tout aussi amusé.

"Y'a bien une auberge sur la route, qui fait écurie aussi, ç'doit être de celle-là que vous parlez, dit-il à Kirian. Elle est à peine à un quart-d'heure plus loin que le croisement de Petit-logis, c'est bien ça ? La patronne, c'est une jolie femme, Melina... On se reposera là-bas si vous voulez. Enfin, j'espère qu'on retrouvera Shemilla avant !"

A nouveau troublée par le changement d'attitude de Kirian face aux deux autres, Ira fut à la fois touchée et embarrassée de ce qu'il venait d'ajouter...

*Wouaaa! Ben il y va carrément quand il se prend à son jeu... En fait, c'est un masque sans lequel il est vulnérable... Mais je préfère tout de même le Kirian vulnérable au Flamboyant! Hey! Mais qu'est-ce qu'ils vont penser les deux?*

Et bien que toujours terriblement flattée par les paroles du barde, elle en rougit un peu tout en tentant de lui faire quelques signes, histoire qu'il comprenne qu'il allait un peu loin dans ses affirmations au goût de sa jeune et toute récente "muse". Alors, il vint lui faire une petite messe basse, à laquelle elle répondit d'un vif chuchotement, toujours ponctué de son accent Impilturien prononcé:

- J'ai compris pour ton jeu, pour finir, j'm'en fais pas trop pour ton mental... Disons c'est plus au sujet d'l'idée qu'ils risquent de s'faire de notre amitié... 'Tout cas, merci pour me laisser connaître ton vrai toi!

Soudain, Rincevent prit la parole de manière méprisante au sujet des compliments qui lui étaient dédiés à elle, bien qu'elle les trouva un peu trop osés, ceci l'agaça terriblement, et dans un même temps la rassura paradoxalement que ceci ferait cesser Kirian de l'embarrasser. Puis les propos de Taern dirent tout diplomatiquement ce qu'elle pensait sans grandes finesses de langage, de plus qu'il s'inquiétait pour elle! Décidément, Rincevent était bien le plus rustre de la bande, selon qu'il dénigrait un peu trop les gens pour elle, et ne la flattait pas assez.
Enfin, le mot auberge vint lui caresser les tympans, probablement le seul mot qui lui parut agréable parmi la voix exagérée de Taern. Et tien donc! Encore une jolie femme? A n'en pas douter ce grand gars en voyait partout, bien qu'aucune ne sembla détrôner Shemilla...
En quelques instants Ira fut à nouveau debout, quoique moins fringante qu'à son habitude, si le terme d'habitude existait pour parler de ses états.

- Bon, alors allons-y! Retrouvons ta jolie Shemilla et allons piquer un somme, suis vraiment à bout moi! Reste encore combien avant P'tit- logis?

Elle termina sur cette interrogation, tout en jetant un coup d'oeil à Kirian avant de laisser languir son regard sur le chemin qu'ils auraient à parcourir.

Kirian souria à l'intervention de Rincevent, visblement amusé par la réponse du jeune homme, il voulait du comique, il aurait du comique...
Le jeune brde s'avança vers le jeune homme et se colla contre son visage pour lui parler tranquilement et d'une voix audible et claire pour tous :
- Tu sais mon mignon pour toi je pourrai tout faire, vraiment tout... La comédie, le dramatique, le tragique et même l'amour !

Le jeune barde lança un des regards les plus pernicieux au jeune homme afin de le destabiliser comme il le pouvait. Il le jaugea une nouvelle fois feignant de trouver quelque beauté désirable chez le jeune homme et se rapprocha de nouveau très près de lui afin de rajouter quelques mots...

-Oui vraiment tout...

Le barde n'adressa rien à Taern qui voulait retrouver sa fiancée au plus, il comprennait le jeune homme car il avait lui même vécu la même situation avec Alice. Il voulait faire plaisir à Ira en rejoignant l'auberge mais, visiblement il se devait d'être outré par les propos du jeune homme, il lança un rapide coup d'oeil complice à la jeune femme sans trop se détourner de sa proie sentimentale...

Taern rit en voyant la roublarde se relever si prestement.

- Si tu es prête, nous sommes partis, dit-il joyeusement en reprenant le chemin. « Il y en a encore pour… quatre heures à peu près. »

Cela dit, la route n’était pas désagréable… C’était un paysage de littoral, avec des dunes plus au nord, et une végétation assez sèche et clairsemée qui donnait une couleur dorée à la plaine. Le chemin serpentait entre les cultures et les vastes prés, et se perdait quelques fois derrière une colline ou un col léger, mais on pouvait le suivre jusqu’à l’horizon. Au nord, on pouvait entendre des mouettes dont le cri avait l’air d’un rire. Le soleil avait déjà atteint son zénith quand ils étaient sous l’arbre, et si l’estimation de Taern était bonne, ils seraient sûrement à destination en fin de journée, bien avant la tombée de la nuit.

Quand Kirian joua son numéro de « charme » à Rincevent, celui-ci prit un air tétanisé, et lança un « Beuark » pour toute réponse à ses avances, avant de partir devant comme s’il voulait le devancer d’une lieue. Taern lui, rit de bon cœur en voyant ce tableau grotesque, à la fois de la soudaine affection du barde, et de la réaction dégoûtée du jeune gringalet.

« Il n’a pas trop apprécié visiblement, il doit préférer les femmes ! » gloussa t-il.

Ils reprirent donc leur chemin, de bonne humeur par cette journée radieuse.

C'est à peine si son tour d'horizon des paysages Aglarondiens était terminé qu'Ira assista à un spectacle des plus hilarants, du moins à ses yeux qui n'en avaient plus vu de tels depuis un bon moment: en effet, voilà que Kirian utilisait toute sa sensualité pour tourner en ridicule ce pauvre Rincevent! En premier lieu, son visage s'illumina d'un sourire amusé un peu cruel, puis elle fut prise d'un véritable fou rire à en avoir les larmes aux yeux. Par chance, elle réussit à le maîtriser un peu avant de devoir se rasseoir, et répondit à Taern tout en s'essuyant les yeux, encore secouée de quelques petits rires:

- Vi! hihi!... Suis prête!... Hou là!... On y va, allez!

Mais elle n'avait pas pris en compte la fin de la phrase, qui revint d'un coup lui traverser l'esprit et froisser un peu sa nouvelle bonne humeur.

- Ah! Mais... quatre heures tu dis? Pfff... bah... Dans le pire des cas, tu me porteras!

Soudainement, elle s'esclaffa à nouveau, encouragée de plus belle par le départ vexé de Rincevent et les commentaires moqueurs de Taern.

- Haha! Oui! Un peu qu'y préfère les filles! Z'auriez vu! Hihihi! L'était tellement occupé à me r'garder en mangeant que j'lui ai r'filer toute mes noix pourries! Et l'a même pas r'marquéééé!

Ce coup-ci, le jeune fille du s'appuyer à l'arbre tant elle riait, et ça lui faisait un bien fou de rire aux éclats après de telles aventures! Enfin, bien qu'elle réussit à se reprendre pour avancer, cette jovialité ne sembla pas démordre, et le chemin se présentait sous une meilleure augure que précédemment...

Kirian avait du mal à garder son sérieux pendant qu'il jouait, à part Rincevent les deux autres étaient écroulés de rire par le spectacle dont il était l'acteur principal. Kirian regarda Rincevent s'éloigner de lui alors que Ira et Taern débattait de la marche suivre après avoir essuyé leurs larmes de joie. Le barde était satisfait de l'effet comique qu'il avait donné et souriait maintenant aux deux autres qui était restés auprès de lui. Il fit une révérence pour saluer son public qui avait acceuilli sa représentation avec ferveur.
- Merci beaucoup cher public ! Vous avez pu apprécier Kirian le Flamboyant dans un registre particulier et différent de celui qu'il interprête et son magnifique assistant et apprenti comédien : Sire Rincevent !

Le barde écarta son corps afin de laisser apparaître la silhouette du jeune homme qui s'enfuyait le long du chemin.
- Voyez comme il est timide venez suivons-le afin de le remercier !

Kirian s'empressa de rejoindre Rincevent et de continuer la route que le groupe avait entreprit de faire.

La jeune demoiselle reprit la route tout sourire, écoutant le discours de remerciement du Barde. Voilà qui l'avait un peu remise d'aplomb! Elle en profita pour applaudir l'artiste. Mais lorsque ce dernier prononça le nom de Rincevent, son ovation redoubla, accompagnée de quelque acclamations joyeuses et taquines.
Alors, elle s'empressa de rattraper l'éclaireur froissé, et, prise de l'un de ses élans impulsifs, elle se posta devant lui, le stoppa net, prit sa tête entre ses mains et lui fit la bise à trois reprise avant de lancer son exclamation:

- Allez! Et vive not'e futur acteur de carrière!

*Suis méchante quand même... va être tout gêné! hihi!*

Elle instaura la clôture de l'acte par quelque rires et une tape sur l'épaule, avant de continuer, vérifiant tout de même qu'on la suivait... Et c'est le moment que choisirent ses côtes pour la martyriser à nouveau! Elle se courba un peu, grimaçante, mais ne s'arrêta pas pour autant, se massant toujours et espérant que la douleur passerait vite. Après tout, elle semblait diminuer au fur et à mesure...

Kirian était satisfait, le petit groupe repartait ensemble et gaiement. Cela lui rappelait les voyages avec la troupe de théâtre qui était venue le chercher dans son manoir délabré.
Le jeune barde laissait place aux trois amis sur le devant de la route, il ne voulait pas trop se risquer à s'insérer parmi eux si rapidement et leur laissait un petit pas d'avance. Il les fixait tour à tour et se prit à sourire, cela faisait longtemps qu'il avait ressenti cette impression de 'vie'.
*Quel magnifique sensation...*

Le barde leva la tête au ciel et s'étira les bras, il souriait aux nuages sans toutefois se laisser distancer par la groupe. Il remarqua les grimaces qu'émettait la jeune femme sans que, à son grand dam, il ne puisse rien faire. Il lui posa une main sur l'épaule et tout en souriant lui parla.
- Allez, courage on va bientôt arriver ! Veux-tu une petite chanson pour t'accompagner ?

Le barde avait la main posé sur la tête de son instrument prêt à accéder à la requête de la demoiselle si elle s'avérait positive.