Quartiers environnants

Guidé par le sergent aux moustaches rousses, Amarillys et Conrad s'enfoncèrent dans un petit dédale de ruelles avoisinant la rue principale menant au cirque. On pouvait facilement se perdre là-dedans, surtout qu'étrangement, les rues se désertifiaient rapidement après avoir quitté la rue principale. Mais le petit bonhomme roux semblait parfaitement s'y retrouver.

Il gagnèrent une petite ruelle adjacente, devant laquelle se tenait deux miliciens en faction. Le sergent leur fit un simple signe de tête. Une fois à l'intérieur, il entraîna les deux camarades dans une petite pièce juste à droite de l'entrée. Une forme recouverte d'un drap blanc gisait sur le sol. Devant se tenait Kisas, plus terrible que jamais. Un peu en retrait, un grand homme pâle et aux yeux cernés observa leur entrée. Autant le capitaine avait l'air d'un prédateur, autant celui-là avait vraiment l'air d'un cadavre ambulant. Kisas lança un regard glacé à Conrad.

"Et bien, on se retrouve bien vite, semble-t-il? il désigna l'autre homme de la main Voici monsieur Khaine. Prêtre de Kelemvor. Le clergé du Seigneur de Morts nous conseille dans ce genre d'affaire un brin mystique."

Il souleva le drap lentement, révélant une jeune demi-elfe, face contre terre, le visage caché par des cheveux d'une étrange couleur bleue. Kisas la pris délicatement par l'épaule et la retourna. C'était bien Filinia. Une plaie fine, juste en dessous du sein droit. Quelques gouttes de sang tachaient à peine la robe.

"Vous nous confirmez son identité?"

Mais que se passe-t-il donc ici? Amarillys suivit le groupe docilement tout en se posant cette question. Elle interrogea Kisas du regard et prit la parole.

" Vous avez une idée de ce qui se passe, des indices?"

Dans l'entre-fait, Conrad devint tout pâle. Pauvre homme, cela faisait beaucoup d'émotions en même temps. Un autre corps, tous de l'entourage de Conrad. Est-il en cause?

L'elfe se mit à observer les alentours.

[Fouille]

Le capitaine haussa les épaules.

"Ce qu'il se passe? C'est très simple. Un assassin sème des cadavres derrière lui. D'abord à la campagne, puis ici, en pleine ville, depuis aujourd'hui. Toujours le même mode opératoire : une blessure unique, ayant entraîné une mort foudroyante. Toute les victimes sont de jeunes gens plutôt bien fait, bien que nous ne soyons pas sûr que la beauté physique soit un critère de sélection.

Le tueur est très habile. Il parvient toujours à surprendre ses victimes lorsqu'elles sont seules, et laisse un minimum de traces. Cela me paraît être trop méticuleux pour être l'oeuvre d'un simple dingue. Il doit poursuivre un but beaucoup plus obscur."

Il marqua une courte pause. Ses yeux glacés parcoururent les environs.

"Le plus étrange reste la mort des victimes elle-même. Ce n'est pas l'oeuvre d'un poison semble t-il. D'après monsieur Khaine, il pourrait très bien y avoir de la nécromancie là-dessous. N'est-ce pas?"

Pendant ce temps, Illys eu le temps de remarquer qu'une forte couche de poussière avait été dérangée, signe que personne n'était passé par-là avant Filinia et son assassin. A priori rien d'autre, mais à postériori deux petites choses avait bien failli lui échapper. D'abord du noir. De la suie plus exactement, déposée entre les planches du parquet, comme sur le marchepied de la roulotte de Cassandra. Preuve supplémentaire s'il l'en fallait que la même personne était passée par là. Mais ce qu'il y avait de vraiment nouveau, c'était ces fils de soie grise, coincé dans une écharde de bois du montant de la porte. Et comme personne ici ne portait de gris, on pouvait légitimement supposer que le tueur pouvait les avoir amenés.

Adahan était resté en retrait pendant tout le début de la conversation, comme à son habitude. Son voyage avait duré plus d'une semaine, car d'abord il avait dû s'arrêter dans un village en campagne ou les premiers crimes avaient étaient signalés. Il y'avait eut beaucoup plus de victimes qu'en ville, mais c'était logique car les paysans étaient beaucoup plus facilement isolés et les espaces vides ne manquaient pas. Le clergé l'avait envoyé ici pour stopper cette hécatombe, les vivants doivent mourir quand il le faut, jamais avant... Ou après.

Toujours la même méthode, un coup porté avec une précision incroyable et une mort très rapide. Evidemment au premier coup d'oeil on aurait tout de suite pensé à du poison, mais cela aurait impliqué deux choses : Vaisseaux sanguins gonflés et sang impur. Mais d'après les saignées il était au contraire parfaitement clair, donc pas de ralentissement de l'oxygénation ou de formation de caillaux. Au contraire le corps semblait parfois exangue, comme si une partie des fluides vitaux de la victimes avaient été absorbés... Cela ne pouvait être dû qu'à de la magie, et celle-ci Adahan la connaissait bien.

Le prêtre de Kelemvor s'avança plus à la lumière pour faire face à toutes les personnes présentes. Ses atours noirs donnaient l'impression qu'il se découpait des ombres.

"Non ce n'est pas du poison. Il n'y a pas de marque d'empoisonnement, ou alors il disparaîtrait de la circulation sanguine à une vitesse incroyable... Il n'y a rien de normal la dessous, il s'agit purement de magie, de la nécromencie comme la précisé le capitaine. Ce n'est pas un sort qui a été lancé, à mon avis... Adahan réfléchit un instant avant de continuer sur sa lancée : Il s'agit d'une arme enchantée, qui absorbe l'énergie vitale du porteur, d'ou la blessure unique. Donc cela veut dire que le tueur n'est pas automatiquement un mage, n'importe qui pourrait utiliser ce genre d'arme."

Adahan regarda un instant le cadavre, ses doigts blancs effleurèrent la plaie nette de la victime. Le coup était si précis, presque rituel. L'homme qui avait fait ça ne devait pas être totalement clair dans sa tête, il cherchait sûrement un but à atteindre, peut-être satisfaire une folle divinité, comme Cyric. Adahan se demanda quelle genre de Dieu pourrait exiger ce genre de "rituels", peut-être y'avait-il à creuser par là.

[Connaissance des Religions à +7]

Amarillys s’accroupit pour observer ces éléments de plus près. Elle sortit sa dague et saisit de la suie avec la pointe. Ceci étant fait, l’elfe attrapa les fils de soie, se releva et fit à nouveau face au groupe.

« Je voudrais votre avis à tous. Voilà, ce qui est vraisemblablement de la suie, de plus que des fils de soie grise. Objets de rituel magique ou bien indice sur l’identité de notre assassin? De la soie, cela ne cours pas les rues et où trouvons nous de la suie? Voilà quelques petites questions qui me passent par la tête. »

Kaine ne trouva rien de probant. Les victimes avait éte frappée à des endroits différents, et les zones ciblées ne correspondaient à rien de particulier. Les assassins du Soleil Noir de Cyric auraient pu posséder de telles armes, mais il en restait si peu... Pourtant la thèse du crime religieux n'était pas à exclure.

Kisas secoua la tête. Il saisit délicatement les fils de soie.

"Bien joué. Pour ce qui est de la suie, il suffit que le tueur aie croisé sur son chemin une forge, une boulangerie, où n'importe quel endroit où l'on fait du feu. Ce n'est qu'avec d'autres que cet indice prendra du sens. Mais ça, c'est autre chose. De la soie grise... vu l'endroit où vous l'avez trouvé, ça ne peut être que de ses vêtement. Il est bien habillé... ça confirme le fait que ce n'est certainement pas un vulgaire criminel ayant trouvé une arme dont la puissance le dépasse. Un assassin de haut vol."

L'officier leva les yeux, et sembla un moment comme en transe profonde. Sa voix n'était plus qu'un murmure, un peu comme s'il pensait à voix haute.

"Les tueurs de cette envergure vont généralement de ville en ville pour remplir des contrats. Mais s'il ne tue pas pour l'argent, nous auront bien plus de mal à le retrouver."

Il se reprit soudainement. Ses yeux revinrent à Illys. Puis se braquèrent sur Conrad, lui lançant un regard à faire fondre les os.

"Reste les victimes, et le mobile de leur meurtre. Toute des proches à vous, De Rinadis, toujours rien à dire?"

Visiblement, il avait pris Conrad en grippe. Qu'est-ce que le barde pouvait lui avoir fait pour mériter son hostilité?

Entendant son nom, celui-ci se retourna. Son visage était pâle et semblait malade, mais cela n'était que des nausées dues à un trop plein d'émotions.

Ne comprenant pas tout de suite la question de Kisas, il se répéta les mots du milicien dans sa tête et après quelques instants de silence, celui répondit sans être trop sûr de lui.

"Je ne comprends pas... Je n'ai rien à voir avec tout ça..."

A vrai dire, voir le cadavre de la demi-elfe ne lui permettait pas de réfléchir comme il le fallait. D'autant plus que cet homme, ce prêtre de Kelemvor, était tout aussi inquiétant que cette brute epaisse de Kisas.

Tel un cobra, la main de Kisas aggripa Conrad au revers avec une promptitude effrayante.

"Vous venez tout les deux de Calimport. Vous êtes tout les deux en fuite. Vous avez tout les deux beaucoup de choses à cacher. Vous étiez tout les deux ensembles la dernière fois qu'on l'a vue vivante. Cela vous fait pas mal de point communs. Il faut que je vous face un dessin?"

Les nuages d'orage qui grondaient au fond de ses yeux promettaient des moment fort désagréables. Conrad n'avait jamais rencontré Kisas avant cette affaire, pourtant, cet homme semblait lui en vouloir personellement. Peut-être que le jeune barde rappelait à l'officier quelqu'un qu'il haïssait particulièrement? Ce serait bien sa veine. De la veine, voilà quelque chose dont Conrad manquait particulièrement ces temps-ci.

De son côté, Illys pouvait se demandait si c'était dans son intérêt, et surtout son rôle, de se mêler de ça. Mieux valait peut-être laisser faire, que l'abcès soit crevé entre les deux humains, après quoi les tensions s'apaiserait et tout le monde repartirait du bon pied.

Adahan suivait la conversation dans les ombres de la pièce. Il paraissait détaché de toute l'animation mais en fait aucun mot ne lui échappait. Conrad semblait être le suspect numéro un de cette affaire, surtout que le capitaine ne l'aimait visiblement pas. Pour quelle raison ? Impossible à savoir, les moeurs des hommes sont si variées... Kaine, lui, n'avait pas encore d'avis sur la personne accusée. Il pensait que Kisas pouvait se tromper car Conrad n'avait rien d'un dur, il semblait se choquer pour un rien voir être extra-sensible, ce qui n'est pas le cas d'un tueur en série. Mais peut-être que si l'assassin est fortement déséquilibré il ne peut pas supporter de revoir ses crimes, accablé d'un certain regret... Mais cela n'irait pas dans le sens de la thèse de l'homme qui tue pour attendre un but. Tous cela était bien complexe...

Adahan suivait l'autre personne présente du regard : La jeune femme elfe. Elle semblait déjà être fait d'une autre trempe, le genre qui ne se laisse pas faire. Mais c'était une femme, elle ferait mieux de faire très attention car toute les victimes étaient de sexe féminin. Adahan avait peut-être une idée pour avancer dans cette affaire qui était en phase de s'embourber...

Alors avant que Conrad ne réponde il s'était de nouveau mis à la lumière, ses vêtements noirs absorbants les rayons lumineux. Adahan se pencha à l'oreil de Kisas, de façon à ce que seul le capitaine l'entende :

"Permettez moi de vous faire une suggestion : Mettez monsieur de Rinadis sous surveillance, sans qu'il ne s'en rende compte. Si c'est bien lui le meutrier il finira bien par commettre un faux pas ou un nouveau meurtre, surtout si il cherche à atteindre un but, il ne pourra résister à l'attente."

Il se retira en arrière et déclara d'un ton audible de tous :

"En tout cas je propose de mettre dame Amarillys ici présente sous protection. Ce ne sont que des femmes qui ont étaient assassinées, il y'a un risque bien trop grand qu'elle soit la prochaine victime, surtout que le tueur à l'air de s'être trouvé une nouvelle source de "chair" ici..."

Amarillys observa les deux humains, sans trop savoir quoi en penser. Devait-elle calmer le jeu ou bien les laisser aux fabulations de Kisas. Personnellement elle ne croyait pas du tout en la culpabilité de Conrad. Il avait pratiquement toujours été avec elle depuis le départ précipité de Filinia après la mort de dame Cassandra. Le peu de temps pendant lequel il s’était retrouvé seul, ne lui aurait jamais été suffisant pour commettre ce meurtre. Par contre, elle ne pouvait pas affirmer, de source certaine, qu’il n’avait pas un lien qui le reliait à la situation.

Elle se décida donc à, au moins, affirmer l’innocence du barde en ce qui concernait ce présent assassinat. Mais, au même moment, Adahan parla à Kisas. Elle tenta, en vain, de comprendre. Qu’a-t-il donc à dire de si secret? Mais, ce furent les dernières paroles de Kaine qui laissèrent l’elfe sans voix. Elle le regarda comme pour la première fois. En faite, il était vrai qu’elle n’en avait pas faite de cas jusqu’ici. C’est bouchebée qu’Illys réussit à prononcer ces courts mots. Elle en avait perdu son vocabulaire.

« Je....pardon?... »

Moi? Besoin de protection? C’est complètement ridicule. L’elfe ne savait que dire d’autre. Avoir eu le temps de peser le pour et le contre, peut-être qu’Illys aurait admise que le raisonnement de Kaine n’était pas mauvais du tout et probablement qu’il avait raison. Elle n’en était pas là pour le moment. Elle chassa cette proposition d’un geste vague de la main, comme si sa situation était de peu d’importance.

« Ne vous préoccupez dont pas de moi. Dites nous plutôt ce que vous savez de ces meurtres. Vous semblez en savoir plus que nous. Je me trompe? »

Une vague tentative pour changer de sujet. Est-ce que cela fonctionnerait?

L'officier resta indécis quelque seconde, puis repoussa Conrad. Si brutalement que celui-ci se retrouva assis par-terre. Dieux que cet homme était fort! Cela ne semblait pas si évident au premier coup d'oeil. Un mince sourire sans joie étira le visage de Kisas.

"Peut-être monsieur Kaine, mais notre ami le siffloteur n'est pas l'assassin. Mais il se retrouve au centre de bien des choses."

Il joignit les mains. Ses phalanges saillèrent, et l'une d'elle était cerclée d'un fin anneau de jade. Son regard bascula vers Illys. Un regard bien plus neutre vis-à vis de l'elfe qu'avec Conrad.

"Je ne pense pas que le tueur aille s'en prendre à quelqu'un capable de se défendre. Du moins pas tout de suite. Soyez tout de même vigilante."

Il marqua une courte pause.

"Il y a effectivement déjà eu cinq meurtres le mois dernier, à Myratma. C'est de là qu'est parti l'enquête des prêtres de Kelemvor. Je vous laisse finir, monsieur Kaine?"

Adahan fit "oui" de la tête. Il inspira profondément et jeta un coup d'oeil à toute les personnes présentes. Cette fois-ci il préféra rester dans les ombres de la pièce, ce qui lui donnait un air encore plus lugubre. Ses mains blanches se joignirent l'une à l'autre alors qu'il commençait son récit d'une voix sans émotions :

"Le dernier meurtre de Myratma nous laissa une preuve irréfutable sur la destination du tueur. L'assassin avait commis son crime dans un cimetière, les morts furent témoins de la scène, mais ils ne purent hélas rien dire sur la nature du tueur, car celui-ci semblait protégé par des sortilèges ou des objets de nature magiques. En tout cas grâce l'Os Conteur le clergé pu interroger les défunts. Tous dirent que le tueur partait dans la direction de Darromar. Et les morts ne mentent pas visiblement..."

Adahan croisa les bras, prenant une posture quasi-impériale. Intérieurement il n'était pas tout à fait d'accord sur le fait de laisser l'elfe toute seule. Vu la puissance potentiel de celui-ci il n'aurait aucun mal à venir à bout d'une victime seule... Mais Kaine respecta l'avis du Capitaine, gardant le silence. Avec le peu d'indices qu'ils avaient ils pouvaient juste se méfier des hommes en gris avec de la suie sous les bottes. D'un ton toujours aussi neutre Adahan ajouta :

"Attraper cet assassin ne parait pas aisé, surtout qu'il est visiblement aussi protégé de la divination... Le retrouver dans une ville aussi grande semble impossible. Je n'ai qu'une idée pour ma part : Lui tendre un piège, même si cela peut paraître encore plus difficile. Qu'en pensez-vous tous ?"

Assis sur le sol, Conrad se tenait à présent les mains à son coup en essayant de reprendre une respiration convenable. Cela était difficile car il n'arrêtait pas de tousser, d'autant plus qu'il était paniqué.

Pourquoi cet homme agissait-il ainsi avec lui ? Il ne lui avait jamais rien et surtout, il ne l'avait jamais vu auparavant. Peut-être le détestait-il tout simplement... Il n'était pas rare que les gens détestent d'autres personnes sans bonne raison valable. Pourtant, en général, ces mêmes personnes n'allaient pas brutaliser les autres sous prétexte que ceux-ci ne leur reviennent pas. Du moins, dans son milieu, c'était comme cela que ça se passait.

Un frisson parcourut le dos du musicien. Peut-être cette brute ne s'arrêtera-t-elle pas là la prochaine fois... Il fallait trouver un moyen de régler le problème. Par la force, le barde n'avait aucune chance et par la diplomatie, cela semblait quasiment impossible.

Après quelques efforts pour reprendre sa respiration, le ménestrel se remit debout.

"Que proposez-vous pour le piège ? Un appat ? C'est plutôt risqué s'il semble aussi puissant que vous le dîtes..." adressa-t-il à Kaine qui l'effrayait à présent moins que cette brute de Kisas, peut-être était-ce parce qu'il ne l'avait pas malmené, lui.

Il regarda à nouveau Kisas, essayant de défier son regard dur et froid.

"Ainsi vous pensez que je ne suis pas le coupable ? Première nouvelle ! Pourtant, je n'arrive pas à comprendre votre comportement envers moi, je ne vous ai rien fait à ce que je sache, il me semble d'ailleurs ne jamais vous avoir vu de ma vie. Alors pourquoi me brutalisez-vous ainsi ?"

Avant même que le milicien ait eu le temps de répondre, Conrad se retourna vers le prêtre.

"Vous avez donc discuté avec les victimes ? Cela pourrait-être intéressant de savoir si l'un d'entre eux a une description de l'assassin et surtout quelles sont ses méthodes pour aborder ses victimes. Mais il y a une autre question que je me pose : les victimes de Darromar sont toutes des femmes, est-ce que les victimes des autres villes sont-elles toutes du même sexe ?"

"Fermez-la!" coupa sèchement Kisas. "Je sais bien que vous n'êtes pas l'assassin. Une petite nature comme vous aurait déjà du mal à tuer une mouche!"

La cause était faite, Conrad payait visiblement pour quelqu'un d'autre auprès de cet homme. En tant qu'officier, il était peu probable que Kisas menace un jour sa vie, mais la lui pourrir, ça c'était tout à fait possible.

Interroger l'âme des victimes, quelle évidence! C'était ce que l'on faisait chaque fois qu'un prêtre de Kelemvor se trouvait dans le coin. Mais dans le cas présent, les prières de L'Os Conteur restaient désepérément sans échos. C'était comme si les âmes avaient été baillonnées, ou pire, retenues prisonnières... Cette éventualité révolta Adahan autant qu'elle le fit frissoner. C'était la preuve que les noires arcanes de la nécromancie était à l'oeuvre.

"Et non, il y a eu aussi de jeunes garçons parmis les victime. Kisas se tourna vers Kaine. Utiliser une 'chèvre' pour attirer le loup, monsieur Kaine? Bien sûr, mais sur quels critères? La beauté physique en est visiblement une, mais du reste, nous n'en savons rien. Trop d'inconnues dans l'équation. Et trop risqué. Le bonhomme semble assez malin pour sentir le piège..."

Illys pouvait profiter de cette petite pause pour placer un mot, une idée, qu'elle avait peut-être eu le temps de faire mûrir. Ou de laisser Kisas trouver lui-même son plan et d'en juger la pertinence.

« Je veux bien admettre qu’il nous faut capturer ce malfrat au plus tôt, par piège ou autrement. Une chose est certaine, cet être est des plus intelligent et efficace. Donc, je ne prendrais pas la menace à la légère, mais je n’agirai pas en victime potentielle pour autant. Ce serait une faiblesse de ma part. »

Et plus jamais je n’agirai en victime, je le promets sur ton âme Maiaron, pensa-t-elle.

« Mais, il nous faudrait peut-être découvrir sa ou leur motivation. Qu’est-ce qui nous prouve qu’il agit réellement seul ou même de son propre chef? En admettant que nous le capturons ou même le tuons, qui nous dit qu’une autre personne ne sera pas déjà près à prendre la relève? Le but est peut-être collectif. Et, quel est ce but ou la raison précisément? Monsieur Kaine? À votre connaissance, y’a-t-il un point commun qui relie toutes les victimes? Réfléchissez bien. Le moindre lien, même quelque chose auquel vous n’auriez pas pensé auparavant pourrait aider. Un lien de sang, un pouvoir, une possession, une connaissance, la virginité que sais-je? Parce que, à ce que vous m’en avez dit, pour le moment nous ne possédons rien de très probant à nous mettre sous la main. Et, vous Lieutenant. Vous semblez croire que Monsieur Conrad à un lien quelconque avec tout cela. Lui ou plutôt sa famille. (L’elfe venait de repenser aux révélations du barde) Si vous savez quelque chose, le mieux serait que vous nous en touchiez un mot. Car, bien que votre colère vous semble être salvatrice, grand bien vous fasse, mais elle ne nous mène absolument à rien. »

Voilà, c’était dit. L’elfe en avait passablement assez de voir cet humain se défouler sur une personne sans défense. Cela démontrait un total manque de savoir vivre.

Adahan repensa aux victimes et surtout à l'impossibilité d'interroger les âmes défuntes. Dans un sens c'était logique et d'autant plus horrible, car cela signifiait qu'une seule possibilitée pour qu'un corps ne puisse plus répondre à l'Os Conteur : Il n'avait plus aucune âme. Cela s'expliquait simplement par le fait que l'âme de la victime devait être emprisonnée dans l'arme, pratique qui dégoûtait au plus haut point Kaine, car ainsi le mort ne pouvait jamais rejoindre Kelemvor et mériter la paix éternelle ou le châtiment. Le prêtre expliqua la situation aux autres :

"Il est impossible d'interroger les victimes monsieur de Rinadis, sinon nous l'aurions déjà fait. En effet l'arme utilisée par l'assassin semble en plus de voler la vie de sa victime, lui voler son âme. C'est une pratique cruelle ! Il y'a de forte chance qu'une fois l'arme brisée, ce que mon clergé entreprendra de faire bien entendu, toute les âmes capturées soit libérées."

Même si Adahan restait d'expression neutre son visage respirait la colère, il était réellement révolté par cette méthode. Mais cela mit en évidence une autre chose : Le critère de selection des personnes n'était peut-être pas physique, mais spirituel. Les âmes peuvent avoir grand intêret pour ceux qui savent s'en "servir". Elles peuvent servir de puissance magique pour enchanter une arme ou de sacrifice pour invoquer une quelconque puissance ou sortilège...

"Mais indirectement cela me fait penser que l'assassin tue peut-être des personnes ayant une âme "semblable". Il cherche peut-être à les "collecter" pour un sombre objectif. La principale chose qui peut rapprocher des âmes sont les dieux, de quelle religion étaient les victimes capitaine ?"

Le regard que Kisas laissa à Illys n'avait plus rien de neutre. Il était même franchement glacé.

"Laissez ma... colère là où elle est, je vous prie. J'ai juste l'impression que votre, hem, ami, en sait plus qu'il ne le dit... ou ne le croit."

Si le ton de la voix était normal, ce qu'il y avait derrière ne l'était pas. Non s'il détestait Conrad, c'était carrément viscéral. Une angoissante hypothèse traversa un instant l'esprit du jeune barde. Il ne lui avait peut-être rien fait, mais quelqu'un de sa famille, si. Ce n'était après tout pas impossible. A moins que ce ne fût encore autre chose, peut-être que le milicien avait une dent contre les bardes, les jeunes garçons calishites, les joueurs d'ocarina, ou les dieux savaient quoi d'autre, bref une catégorie à laquelle Conrad avait le malheur d'appartenir.

"La religion? Hmm, c'est assez varié : Tymora, mais aussi Sunie, pour la plupart des jeunes filles. Quand aux deux seuls garçons, c'était Tempus pour l'un, apprenti forgeron, et Lathandre pour l'autre. Pas vraiment de lien. Les rapports que j'ai reçu ne présente aucune concordance entre les origines sociales, ethniques, l'âge, les croyances, les liens familiaux... Ils ne se connaissaient pas, et n'avaient pas de raisons de l'être. Mis à part le fait qu'ils étaient tous en bonne santé et avaient un physique plutôt bien fait, -ce qui relève d'une appréciation générale-, ils semblent avoir été tués purement au hasard."

Il observa une courte pause. Il tournait à présent comme un lion en cage.

"Mais ce ne peut pas être au hasard. Il y a une motivation derrière tout ça, mais elle nous échappe complètement! Et quelque soit le ou les individus derrière tout ça, et j'espère qu'il n'y en a qu'un seul, on ne peut pas attendre qu'il frappe de nouveau.

Tout ce que nous avons, c'est des fibres de soie grise. Selon toute vraisemblance, il a traqué sa victime jusqu'ici. Sergent!" Le milicien aux moustaches rousse, resté sur le pas de la porte, accouru. "Faites des recherches entre ici et le cirque. Il y a une grande artère marchande, une fille aux cheveux bleu ne passe pas inaperçue! Si quelqu'un, de préférence vétu de gris, la suivait, il y a des chances pourqu'on l'aie vu. Transmettez les ordres. Moi, je vais faire le tour de tout mes indicateurs. Mais auparavant, racompagnez ces personnes, si elles le désirent..."

Kaine était le seul engagé dans l'enquête. Mais s'ils se sentaient de s'impliquer dans cette histoire, pour prouver sa bonne foi et en mémoire de ses amies en ce qui concerne Conrad, ou par défi personnel pour Illys, ils seraient certainement d'une aide bienvenue.

Ami était un bien grand mot. Connaissance amicale était un terme plus approprié selon l’elfe. Peu de gens pouvaient se targuer d’être son ami. L’elfe décida que dorénavant, elle garderait le silence face à l’attitude de Kisas envers Conrad. C’était peine perdue d’avance. La froideur de Kisas la laissa indifférente. Elle préféra plutôt se concentrer sur la situation présente. Elle ne pouvait ignorer les soupçons de Kisas. Aussi bien poser des questions. Elle se tourna vers Conrad.

« J’ai cru comprendre que de parler de votre famille était douloureux, mais accepteriez vous de faire une exception pour cette fois-ci? Je ne vous accuse en rien, sachez-le. Mais, ce que vous pourriez vous souvenir est peut-être essentiel. Connaissez-vous quelqu’un de près ou de loin de votre famille qui serait susceptible d’oeuvrer dans le domaine de la magie noire et ses activités connexes? Ou même une connaissance de la famille? Si vous ne trouvez rien et bien l’on pourra dire que la théorie du lieutenant s’avèrera infondée. »

Illys ne voulait en aucun cas froisser ou même brusquer Conrad, mais elle devait savoir.

« Rien ne vous oblige à répondre hâtivement. Si quelque chose vous vient à l’esprit, faite m’en part. »

Elle revint à Kisas et Kaine.

« Mise à part le faite que tous ces dieux œuvres dans le domaine du bien, il est vrai que rien ne les relient réellement ensemble. Mais, je ne m’y connaît pas assez dans se domaine pour spéculer plus avant. Peut-être que vous, Monsieur Kaine?»

Déjà, Kisas se préparait à partir.

« Je viens avec vous. Je pourrai toujours être utile et qui plus est, j’agirai ainsi avec prudence. »

Ce n’était pas vraiment une proposition, mais plutôt une affirmation.

Kisas fronça les sourcils.

"A votre guise. Sergent Waco, dites-leurs par quoi commencer."

Comme s'il ne pouvait attendre, Kisas se retira. Il allait certainement relever son réseau d'indicateur. SI l'assassin avait des liens avec la pègre, il le saurait. Si l'assassin fréquentait les bas-fonds, il le saurait. Le sergent Waco le regarda partir et lissa ses moustaches rousse, songeur. Il secoua la tête, comme s'il avait vu la scène de nombreuses fois déjà. Il se tourna vers Illys et Conrad.

"Le but du jeu est de retrouver tout les faits et gestes de la victimes, peu de temps avant sa mort. Ainsi, nous déduirons comment l'assassin à pu la suivre et comment il aurait pu agir. Et par extension ses méthodes... Des questions avant de commencer?"

Depuis que Kisas lui avait ordonné de se taire, Conrad n'avait pas dit un mot et s'était simplement contenté d'écouter ce qu'il y avait à savoir. Ainsi donc, l'arme utilisée absorbait les âmes. Le musicien n'avait jamais vu de telles armes mais une chose était sûre : une arme de ce genre ne devait pas passer inaperçue. L'assassin devait donc se cacher là où il ne risquerait pas d'attirer l'attention.

"Les maisons abandonnées de cette ville sont-elles nombreuses ? Je pense que son arme, au vu de ses capacités, ne doit pas passer inaperçue donc l'assassin doit se cacher dans un endroit qui n'est plus habité depuis longtemps...
"S'il était simplement dans la rue, les autorités faisant leurs rondes seraient soit mortes, soit auraient remarqué unhomme louche. Ensuite, s'il était venu à occuper une maison, il se devrait de tuer le propriétaire ainsi que sa famille, ce qui rendrait l'idée de collection d'âme complètement absurde.
"Honnètement, je pense que le ou les assassin(s) se cache dans un endroit abandonné depuis longtemps..."

Kisas s'était retiré, laissant son sergent s'occuper de cette affaire. Le type semblait plus aimable mais les apparences étaient parfois si trompeuses... Adahan s'était déplacé, à présent il était vraiment à la lumière, non loin de l'elfe et face Waco. Grand et droit, le visage pâle et les yeux cernés il avait tout l'air d'un véritable mort-vivant. Il écouta sans un mot Amaryllis, puis le sergent, puis enfin Conrad.

Il passa ses mains dans son dos, se penchant légèrement en avant. Reflechissant un court instant il répliqua d'abord à l'elfe :

"L'homme ne chasse pas les divinités bonnes visiblement, sinon il s'en serait prit à la Triade. Sunie est capricieuse et Tempus n'a rien de fondamentalement "bon". Tymora aussi, c'est une déesse de tout le monde. Cela n'a pas de sens, à mon avis il y'a un autre lien, cette piste semble fausse."

Il tourna ensuite sur lui même pour plonger son regard nuit dans celui de Conrad. Il resta indescriptible pendant quelques secondes, puis son visage se détendit et il se contenta de répondre une évidence :

"Pourquoi son arme ne passerait-elle pas innaperçue ? Voyons, regardez la taille de la blessure, il ne se déplace pas avec une épée à deux mains mais plutôt une dague. Dans un fourreau et sous son manteau personne ne pourrait la voir, surtout que l'homme semble protégé contre la divination... A mon avis il peut très bien vivre dans une auberge. Et il ne doit pas être si louche que ça, car généralement ce genre de personne à la psychologie particulière ressemble à des gens tout à fait normaux dans la vie courante, se transformant en monstre à l'heure de ses crimes, sinon ils se feraient attraper beaucoup plus facilement."

Il jeta un coup d'oeil à Waco et ajouta :

"N'est pas logique sergent ?"

Waco leva une main. Son regard était malicieux. Se moquait-il de la naïveté de Conrad? Peut-être, ou pas.

"Tout à fait. S'il y a une chose que j'ai appris dans ce métier, c'est que plus un criminel est dangereux, plus il aura l'air anodin voir inoffensif. Ne vous imaginez pas naïvement chercher une brute patibulaire au visage scarifié, ni un marginal qui vit à l'écart. Encore une fois, nous n'avons pas affaire à un fou qui attaque n'importe qui dans la rue. Il sait ce qu'il cherche, il a des méthodes parfaitement rôdées. C'est le genre qui mène une double vie. Peut-être même a t-il une position respectable. Et je ne serais pas étonné qu'il soit d'origine aisée."

En un mot, c'était les pires. Quelqu'un de parfaitement intégré, citoyen ordinaire la plupart du temp, devenant un prédateur retors durant les quelques heures de son crime. Quelqu'un portant le masque de l'affabilité, voire de la bienveillance, cachant derrière une perversité hors du commun.

"Bon, pour commencer, il faut découvrir ce que la victime venait faire ici. Est-ce que l'un d'entre vous connaît la raison de sa sortie? Elle cherchait quelque chose de précis, ou voulait-elle juste faire une promenade? Tout ce que vous avez vu ou entendu à son propos quand vous étiez au cirque peut aider."

Voyant bien que son hypothèse n'était pas suffisamment complète pour être prise au sérieux, il tenta d'y rajouter un élément : la suie.

"Monsieur Kisas a mentionné plusieurs fois qu'il y avait des traces de suie sur les lieux du meurtre. Soit l'assassin passe à côté d'une forge, soit il loge dans un endroit qui a brûlé, d'où mon hypothèse d'une maison abandonnée comme cachette..."

Il regarda tour à tour chacune des personnes présentes.

"Vous avec raison sergent en disant qu'il ne s'agit pas d'une personne à l'aspect pathibulaire : ces personnes ne passent inaperçus que très rarement. Avez-vous remarqué des traces permettant de voir que la victime s'est débattue ? Non, je pense qu'il s'agit d'une personne avec un physique mettant en confiance ou passant inaperçu."