Une ville en effervescence [Gabrielle, Hivirel, Hartanis]

En ce début de soirée, l'auberge Angevin était en proie à une agitation peu commune. Les gens se bousculaient, les conversations comme les paris allaient bon train et il était fort difficile de trouver une table libre dans la salle enfumée ou deux serveuses fatiguées ne savaient plus ou donner de la tête tellement qu'elles étaient sollicitées.

Heureusement pour elle, Gabrielle était arrivée deux jours plus tôt, avant que l'agitation fievreuse ne s'emparent de l'endroit et rende toute possibilité de nuit nulle. La cause de tout ceci, il était plutôt aisé de l'apprendre, puisque tout le monde n'avait au lèvre que le tournoi qui commencerait dans deux jours. C'était l'initiative d'un nobliaut fortuné désirant marquer le mariage de son fils ainé, mettant par la même occasion tout sans dessus-dessous.

Les règles étaient simples : toute personne pourvue d'une arme et de science du combat pouvait se présenter et participer pour peu qu'elle se fut inscrite avant demain midi. Le vainqueur du tournoi obtiendrait une somme importante de la part du noble, mais surtout assurerait sa renommée.
Les guerriers n'étaient pas les seuls à profiter de l'affaire. D'un seul coup et sans qu'on sache d'où ils étaient sortis, une nuée de bardes, troubadours et autres amuseurs de foule avaient débarqué, désireux d'utiliser l'évênement pour se faire connaître.

L'un deux, justement, s'installa en face de la jeune femme. Uriel, d'après ses souvenirs. Un musicien et conteur relativement collant.


La porte de l'auberge s'ouvrit au même moment, laissant place à deux silhouettes. Hivirel et Hartanis s'étaient croisés au cours de leurs voyages et avaient décidé de commun accord de le poursuivre ensemble.

Isolée dans un coin paisible et moins éclairée de l’auberge, un livre appuyé entre ses jambes nonchalamment croisées sur la table graisseuse, la jeune Gabrielle se trouve en tête à tête avec elle-même. Sa main élancée va et vient au gré des lignes et du grattement de sa plume sur le papier vierge et rugueux de son journal. C’est pour elle un moment privilégié ; enfermée dans son esprit, elle ressasse des souvenirs, ses joies tout comme ses peines. Les yeux baissés et les lèvres plissées en une expression rêveuse, elle prend grand plaisir à se laisser aller au coeur de son propre univers où elle se sent à la fois en sécurité et délassée. Ce n’est qu’en relevant les yeux, sortant de sa rêverie et de ses écrits pour s’emparer de sa bouteille de vin rouge qu’elle remarqua enfin la présence du ménestrel assis en face d’elle.
Fronçant les sourcils à la vue de l’individu, elle constate avec inquiétude que sa bouteille est vide. Elle laissa échapper un imperceptible gémissement de désarroi alors que le ménestrel à la réputation collante allait certainement l’assommer de questions et de doléances diverses et variées. Gabrielle retira ses pieds de la table pour se caler plus profondément dans son siège et s’employa à siffler une serveuse pour qu’on lui remplisse sa bouteille. Il allait lui falloir beaucoup de boisson pour pouvoir supporter le ménestrel auquel elle demanda d’un ton coquet :

« N’est-il point bienséant de demander à une jeune demoiselle l’autorisation de partager sa table ? Il me semblait que les gens de votre qualité étaient au courant de ces choses là ? »

Gabrielle n’appréciait guère minauder auprès de ces gens là et elle n’arrivait toujours pas à les cerner. Ces hommes et femmes étaient-ils vraiment talentueux et respectables ou simplement opportunistes et vivant des exploits des autres ? Dans les deux cas elle les considérait sans véritable personnalité, cherchant leur propre originalité chez ceux qu’ils se faisaient témoins de leur vie. Cependant, il n’était guère sage d’insulter, voire de brutaliser un ménestrel. En effet, ces opportunistes ont une langue bien fourchue quand il s’agit de défaire la réputation de quelqu’un, et pour l’heure, Gabrielle aurait probablement besoin d’un héraut et sûrement d’une bonne réputation. Car elle envisageait de participer au tournoi et escomptait bien faire parler d’elle.

Uriel pencha légerement la tête de côté, haussant un sourcil et affichant un sourire simple et bienveillant.

- Certes damoiselle que je l'eus fait. Mais vous sembliez à ce point plongée dans vos travaux qu'en moi-même je me suis défendu de vous interrompre. D'autre part, les tables se faisant rare et votre compagnie semblant toutefois fort agréable, je me suis permis cette audace que de m'installer à la vôtre.

Il avait réussi à débiter toute la tirade sans s'interrompre et d'un air si naturel qu'il était difficile à dire si ça relevait ou non de la moquerie. Toujours était-il que le ton était poli et la voix légerement chantante, mais qui à la longue devait être agaçante.

- Néanmoins, permettez-moi de vous présenter toutes mes excuses les plus humble si par cette conduite je vous ai importuné.

Une serveuse débordée passa enfin et le barde l'arrêta au passage.

- Resservez donc mademoiselle de la même chose.

Puis à l'intention de Gabrielle.

- Je vous l'offre en guise et à titre d'excuses

L'ambiance survoltée de l'auberge ne dérangeait pas Hartanis outre mesure. L'annonce d'un évènement aussi exceptionnel que ce tournoi était une source d'excitation grandiose pour tout les guerriers en manque de sensations fortes, à la recherche de gloire, de richesses, ou tout simplement ayant envie de conforter leur honneur.
Cette agitation était en totale contradiction avec l'environnement dans lequel le nain errait il y a quelques semaines encore.
Il n'avait en effet eu que la solitude pour compagne lors de son vagabondage sur les sentiers.
Jusqu'au jour où il fit la rencontre de l'elfe qui se tenait à ses côtés. Peu de gens ne serait que trop surpris de voir une ébauche d'amitié se former entre un elfe et un nain, ne serait-ce même qu'une bonne entente, cependant à Lunargent, ces préjugés raciaux n'avaient pas, ou plus grand intérêt, vu le mélange de civilisations qui s'étaient établis en son sein.

Il se mit à sourire à l'idée de goûter à un peu de repos après ce long voyage et se retourna sur son ami, avant de se diriger vers le comptoir.

-Enfin nous voici à Lunargent, mon ami, et pour fêter cela, je me sens d'humeur à t'offrir une consommation.

Il crut bon d'ajouter dans un ricanement.

-Mais une fois n'est pas coutume, hé hé hé.

Agréablement surprise, la soldate se détendit et afficha une expression navrée. Elle regrettait d’avoir tendu l’oreille aux rumeurs et bien plus encore de les avoir fait sienne. Il se trouvait encore peu d’hommes qui l’eut considéré avec galanterie sous prétexte qu’elle portait l’épée. Ce n’était que des mots et pourtant Gabrielle éprouva une certaine sympathie pour le ménestrel. Après tout il n’était pas si différent d’elle : il cherchait simplement à être quelqu’un, ne plus être ignoré, au moins apprécié pour ses talents. Mais on le repoussait, on se moquait de lui et on lui faisait une réputation d’écornifleur. Finalement Gabrielle vivait le même dilemme : on ne prend guère au sérieux une femme portant l’épée, et quand bien même elle ferait ses preuves ses camarades réagiraient par le mépris, voir l’hostilité.

C’est une histoire bien trop récurrente et ce ménestrel avait au moins fait le premier pas. Il s’est adressé à elle avec galanterie et sans aucun sous-entendu mesquin. Peut-être se trompait elle sur ses intentions, mais le sentiment que cet homme cherchait un moyen de s’élever en comptant sur l’aide d’une femme soldat força son respect. Cela témoignait déjà d’une certaine ouverture d’esprit de s’asseoir à sa table.

« C’est moi qui vous doit des excuses. Ecoutez messire, je vais être franche avec vous. Avant que vous ne m’adressiez la parole, les ragots allaient bon train à votre sujet, vous faisant passer pour un exaspérant écornifleur. Je n’y prêterais guère plus l’oreille, je vous en prie prenez donc place. Vous m’avez adressé la parole de si bonne grâce que je ne puis refuser de vous accueillir décemment. »

Un peu d’herbe à fumer et le vin qui ne tarderait pas à venir, la soirée s’annoncer plutôt bien.

L'elfe se sentait bien. Il avait voulu partir au sud, bien loin de sa terre natale, vers les climats chauds et les royaumes intriguants. Quel bonheur d'avoir fait la rencontre d'Hartanis, peu après son départ ! L'auberge dans laquelle ils s'étaient croisés était la première que fréquentait Hivirel en dehors de sa cité. Il avait été enthousiasmé par le nain, un solitaire, et après une longue conversation d'une bonne heure, il avait presque oublié tout les préjugés qu'on avait pu lui raconter sur les nains barbus.

Certes, Hartanis lui avait confié être un peu différent, mais d'un commun accord, fier d'avoir fait cette rencontre, les deux hommes avaient décidé de partir à Lunargent, pour découvrir la Myth Drannor du Nord, le fief des Marches d'Argent, la cité de culture par excellence...

L'auberge Angevin était un peu le but de leur voyage, et la proposition du nain ne put que faire sourire Hivirel.

- Etonnant, mais je ne m'attendais pas à ça de ta part. Cependant je te préviens, le vin elfique coûte cher...

Et comme Hartanis s'occupait des boissons, Hivirel se mit à la recherche deux places libres, tâche peu aisée...

[D'solé pour le r'tard]

Le barde écouta la réponse de son interlocutrice avec un sourire en coin et une lueur amusée dansant dans le fond de ses yeux.

- Ne vous excusez donc pas. Les rumeurs vont bon train. Soit, il n'y a pas de quoi s'alarmer. Il semblerait qu'il est de la nature même de tout musicien, conteur, danseur ou chanteur d'assurer sa propre notoriété en démantelant celle des concurrants quand trop de personnes de ce monde se retrouvent réunies. Or, vous avez du constater que l'annonce du tournoi a rameuté bien du monde.

Il s'arrêta pour reprendre son souffle, puis continua sur le même ton poli et chantant.

- Je suppose qu'une loi semblable doit avoir cours parmi les gens d'armes. Je me trompe ?

Sur cette question, la serveuse vint déposer la commande et repartit tout aussitôt, craignant peut-être qu'on ne lui demande à nouveau quelque chose.

- Au fait, voila que je manque à toutes les règles de bienséance, je ne me suis même pas présenté. Uriel Naalye, pour vous servir.


Après plusieurs instant d'attente au comptoir pour attirer l'attention du tenant débordé, Hartanis put se trouver face à celui-ci. De son côté, Hivirel avait nettement plus de mal à mener à bien sa tâche. Pas facile de circuler dans la foule et encore moins de trouver deux places de libre. Surtout s'il fallait chercher deux places à la même table.
Il finit néanmoins par découvrir une possibilité, tout au fond de la salle, où étaient déjà assis une femme et un homme. Ce n'était peut-être pas l'endroit le plus agréable pour discuter entre amis, mais il faudrait se décider rapidement sinon d'autres prendraient place.

Gabrielle ne répondit pas tout de suite, elle prit le temps d'analyser Uriel. Pouvait on vraiment laisser ce ménestrel jouer de sa langue sans se méfier ? Après tout, les gens de son métier étaient plus ou moins des filous. N’était il pas en train d’essayer de la tromper pour se servir d’elle à ses fins ? Sa galanterie apparente ne cacherait elle point un mécréant de la pire espèce ? Ou est-ce seulement un illuminé qui allait lui attirer les pires ennuis ?
C'était certain : ce ménestrel allait lui demander de la suivre et d’être témoin de ses faits d’armes ou de ses déboires. Et si elle s’humiliait dans ce tournoi ? Et si on se souvenait d’elle comme une incompétente ? Elle écarta rapidement ces noires pensées de son esprit en se persuadant que Tempus ne saurait être fier d’un guerrier qui n’aurait de cesse de douter de lui-même. Alors, le souvenir de son père ressurgit et elle se demanda s’il avait éprouvé les mêmes doutes. Non, certainement pas. Les hommes courageux ne se posent pas ce genre de questions, ils agissent promptement et il était temps qu’elle fasse de même.

« Gabrielle d’Umswall, de Padhiver. Enchantée de trouver un serviteur en espérant que vous me servirez plus que vous me nuirez. » dit elle d’un ton léger, mais lourd de sous entendus.

A ces mots, elle remplit à moitié sa propre bouteille de vin et céda l’autre au ménestrel. Il était préférable de laisser Uriel mener la discussion. Le verbe n’était guère son fort et elle espérait que le vin délia la langue au ménestrel afin de l’éclairer sur ses véritables intentions, si il y en avait. Gabrielle n’avait d’autre souhait que cet homme soit aussi pur que ses intentions le laisser entendre. Elle attendit donc la suite en préparant soigneusement sa réponse, car il n’est pas pertinent de laisser transparaître ses craintes et ses faiblesses à quelqu’un d’aussi douer pour les manipuler, en supposant qu’il soit effectivement animé de mauvaises intentions. Dans tous les cas, un ménestrel lui était indispensable pour participer à ce tournoi et bâtir sa renommée.

- Excusez-moi Dame Gabrielle, mais les deux places à votre table sont-elles réservées ? Je cherche désespérement un endroit où nous asseoir, mon compagnon et moi.

Hivirel avait entendu la jeune femme se présenter et il en avait profité. Même si celle-ci semblait en pleine discussion, c'était la seule table de libre. Il salua de la tête l'homme qui lui faisait face, et attendit la réponse de l'humaine, avec un regard pétillant d'espoir.

Hartanis arriva tant bien que mal au comptoir et le tavernier semblait se tourner vers lui, il crut bon de le saluer et de passer la commande.

-La bonne rencontre l'ami taulier, aurais-tu l'obligeance de me servir une chope de bière et un verre de vin.

Se retournant pour constater de l'ambiance euphorique toujours présente dans les lieux, il aperçut son ami Hivirel en train d'aborder une jeune femme et un homme attablés, certainement pour leur demander si des places étaient libres. Néanmoins cette vision le fit sourire.

-Cet elfe ne perd pas de temps, on dirait.

Il attendit que le taulier lui rapporte sa commande avant de le rejoindre. La perspective de traverser cette foule sans renverser une goutte des boissons s'avérera être un exploit, et le nain soupira devant cette tâche ardue qui l'attendait.

Après un bref silence du à la surprise, Gabrielle répondit par l'affirmative, sans pour autant paraitre enchantée de cette nouvelle arrivée.
Le barde lui, adressant un grand sourire et salua l'elfe. De même d'ailleurs qu'il salua Hartanis lorsque celui-ci parvint à traverser la foule presque sans perdre une goutte des boissons.

- Uriel Naalye, conteur et barde, pour vous servir.

Tout dans son attitude démontrait qu'il brûlait d'entamer une conversation, mais il tint sa langue, n'osant probablement pas brusquer les deux arrivants ou craignant de les importuner.

Le nain arriva tant bien que mal à se faufiler à travers la foule, en jouant des coudes et des épaules, mais n usant d'une habilité surprenante pour éviter toutes pertes des "nectars sacrés".
Il les posa sur la table alors que le barde se présentait, il répondit en saluant l'homme et la demoiselle.

-Hartanis, originaire de la citadelle d'Adbar, enchanté l'ami.

Hivirel ne put que sourire à l'arrivée du nain, aussi heureux qu'un jeune enfant ayant gagné un jeux. Et pourtant, ce n'était là que deux boissons...

- Hivirel Sombrétoile, d'Evereska. Je vous remercie.

Il s'assit après avoir enlevé son sac à dos, qu'il bloqua d'ailleurs avec un pied de la chaise, et placa le verre de vin devant lui, en regardant le breuvage d'un air dubitatif.

- C'est la chance qui nous a mis sur votre chemin. Un conteur doit bien connaître les dernières nouvelles ?

(HJ: C'est Skaron qui parle. Normalement je remplace Horizon pour de bon, mais quoi qu'il advienne, vous avez assez attendu...)

Visiblement ravi de cette invitation à entamer la conversation, le barde éleva les mains de façon très théâtrale.

"Voyez-vous toute cette agitation autour de nous? Le chevalier de Pierrelune marie son fils dans deux jours. Pour distraire ses invités, ce retraité de la garde d'honneur de notre Dame Alustriel organise un tournois ouvert à tout combattant, avec à la clé forte rétribution. Mais suis-je bête, c'est peut-être ce qui vous attire ici?"

Ses yeux se mirent à briller comme s'il contemplait subitement des lingots d'or. Visiblement, il croyait tenir le sujet de sa prochaine ballade, à propos d'un éblouissant épéiste elfe venu de loin pour remporter le tournoi, et peut-être même, le romanesque aidant, ravir le coeur de la mariée.

Le nain, assis sur son tabouret et ne lachant pas sa chope, de peur qu'un badeaud vienne à s'écraser sur la table, écoutait les paroles du barde comme un enfant.
Lunargent était célèbre dans les Marches et au-delà des frontières, cependant le nain n'avait jamais goûté à son hospitalité par le passé. Aussi était-il avide de savoir les informations que pourraient lui apprendre le conteur.

"Un tournoi pour célébrer un mariage ? Je vois que comme chez nous tot est prétexte à faire la fête, et rivaliser d'actes de bravoure."

Se frottant la barbe de la main, il répondit.

-Pour être honnête, si je suis ici, c'est pour goûter à autre chose que les dangers des Marches d'Argent. Mais il est vrai qu'immergé dans cette effervescence, je me sens un peu euphorique.

Il brandit sa chope et ajouta avant de commencer à boire.

-Cette ambiance festive me manquait depuis un moment, alors autant en profiter. A la votre messieurs !

- A la tienne Hartanis, avec modération toujours...

Il fit un clin d'oeil au nain, bien que son compagnon regardait bien trop sa bière pour y faire attention. Il prit son verre de vin mais le garda dans sa main, sans le boire.

- Nous sommes ici par hasard et sans but réel. Lunargent ne devait être qu'une étape sur notre trajet mais il est vrai que ce tournoi nous intéresse. Comment se déroule-t-il exactement ?

Sa question s'adressait au barde mais également à la jeune femme qu'il sentait particulièrement intéressée par l'évènement.

Le barde se frotta curieusement les mains, tel un marchand sur le point de conclure une bonne affaire. Il était visiblement ravi d'être le centre d'attention de tout le monde, et que son savoir soit précieux -mais n'est-ce pas ce pourquoi les bardes vivent?

"On peut s'y inscrire jusqu'à demain apès-midi, et aura lieu dans deux jours exactement. En bon soldat, Pierrelune est un amateur de prouesse d'armes, et on peut s'attendre à voir se présenter les meilleurs lames de Lunargent et ses environs, sans compter quelques guerriers de passage, alléché par le premier prix. On parle quand même de plusieurs centaines, voir même d'un millier de pièce d'or en pierres précieuse..."

En homme de spectacle, il observa une pause pour ménager son effet.

"Il y a d'ailleurs un candidat que beaucoup d'amateur de duel aimeraient voir participer. Un capitaine mercenaire, dont la troupe campe en dehors de la ville. On le surnomme le Bâtard, et c'est paraît-il un véritable colosse de sept pieds et demi! Douce Séluné, j'aimerai bien voir ce prodige de mes propres yeux. Mais notre gaillard semble t-il, n'aime pas trop les évenements publics. Une chance pour les autres, semble t-il, car j'ai entendu dire d'un expert que sa victoire serait écrasante s'il venait à participer."

Pour sa part, Hartanis avait entendu dire que de nombreux troubles secouaient le nord et l'est des Marches d'Argent. Ce qui était en partie la raison de sa venue ici, lui qui cherchait une bonne cause pour son bras puissant. Les Chevaliers de Lunargent avaient un très bonne réputation, et le nain comme l'elfe étaient un peu surpris d'entendre qu'ils étaient en difficulté au point d'engager des renforts mercenaires.

Hartanis se retint pour ne pas cracher sa bière lorsque le barde rapporta le prix du tournoi.
Il se retint et se remit à réfléchir.

"Ce tournoi est de plus en plus intéressant, son véritable but n'est pas de célébrer la noce du fils de Pierrelune, non, son intérêt est somme toute bien plus stratégique que çà.
Les marches connaissent de graves crises difficilement controlées, et les forces de Lunargent doivent être surchargées, ce qui explique la présence d'une troupe de mercenaires.
Cet évènement est une aubaine pour dénicher d'autres combattants d'exeptions rapidement, et sans peine avec une telle prime, mais cela permet également de redonner à la population d'autres préoccupations plus festives que l'angoisse et l'inquiétude.
Il est désormais clair que pour prétendre défendre les valeurs du Bien dans la région, il va me falloir fournir des preuves de ma bravoure."

Il se refusa de raconter tout cela au barde, mais reprit la conversation gaiement, en posant sa chope sur la table, tout sourire, une main sur le manche de sa hache.

-Ca m'intéresse grandement l'ami, je pense que je vais m'y inscrire. Où peut-on trouver le bureau d'inscription ? Et en sais-tu davantage sur le déroulement du tournoi ?

Le temps dirait à Hartanis si le tournois était vraiment une manoeuvre aussi subtile de la part des autorités. Mais il était vrai que l'évenement tombait à point nommé, et semblait en outre soulever bon nombre de spéculations. Nul doute que les maisons de pari feraient salle comble.

"Pierrelune à obtenu de la ville qu'on lui prête la lice de l'académie militaire, qui sert habituellement aux joutes de fin d'année. Un scribe s'occupe de collecter les inscriptions, qui ne coûtent que cinq pièce d'argent, jusqu'à demain midi. Les combats se dérouleront à 'armes courtoises', et à priori sans autres contraintes que celle de faire preuve de bon esprit."

Uriel s'envoya une gorgée de vin avant de poursuivre :

"Comme je vous le disais, les meilleurs bretteurs de Lunargent ayant un peu de temps libre se sont déjà donné rendez-vous. Il y a bien sûr beaucoups de jeune gens fortunés se piquant d'escrime, mais également de vrais talents. Parmis les cadets de l'académie y participant, on y trouve le demi-elfe Cyril Roseblanche, le major, ainsi que Roland Halcon, le second, tout deux meilleurs élèves du grand maître d'arme Dakeyras d'Eauprofonde.

On y trouve aussi quelques concurrent intéressant, comme Kor, le bourreau demi-orque, pas très malin mais fort comme un boeuf, Priam Corbeau-Rapide, un moine adroit au bâton, et une drôle de jeune fille appelée Silence."

Une galerie de portrait intéressante. Mais qui promettait un niveau assez élevé, au moins dans les dernier stade de la compétition. Et si ce mystérieux individu surnomé le Bâtard venait à s'en mêler, celà pourrait encore changer la donne.

La description faite des principaux concurents avait eu un effet étrange sur Hartanis, il se sentait à la fois refroidi par une violente averse glacée, mais son surire n'en était que plus éclatant. Ces combattants semblaient plus que vaillants, et devaient avoir des talents à la hauteur de leur réputation.
Peut-être que leur expérience du combat était plus grande que celle du nain, mais c'était aussi çà le charme d'un tournoi.

Personne ne pourrait le jurer mais a barbe du nain, frétillait à l'idée d'assister à des combats aussi fameux, il faut dire que le barde racontait cela avec tellement d'envie lui aussi, le spectacle devra surement en valoir la chandelle.

Hartanis reporta son attention sur la demoiselle, assise à la table qui visiblement écoutait le barde avec grand intérêt. Elle avait l'air elle aussi intéressé par ce tournoi, peut-être rentrerait-elle en lice. Et son ami Hivirel ? Nul doute qu'il veuille également participer à cet évènement, et même s'il peut se montrer réticent, il y aura surement moyen de le convaincre. Il reprit la conversation avec Uriel.

-C'est une aubaine pour toi l'ami un tel évènement ! De vaillants guerriers qui rivalisent de prouesses martiales tout çà dans une humeur festive. On le sent dans ta voix, tu parles de ces participants, qui sont, on peut le dire, des favoris du public, avec une telle passion, les as tu déjà rencontrés par le passé ?

Uriel haussa les sourcils pour essayer de contenir la satisfaction de se sentir précieusement écouté. Le barde devait certainement souffrir régulièrement du manque de reconnaissance de son entourage, et les mots d'Hartanis étaient pour lui une invitation à ouvrir les vannes en grand!

"Hum, oui. Quand on aspire à écrire de grande épopée, on se doit de se tenir informé des arts du combat. Rien que de voir l'élite des cadets de l'académie en démonstration et un spectacle étonnant. Mais les favoris oui, haaaa...

Cyril Roseblanche est issu d'une vieille et modeste famille de Lunargent. Ce garçon est d'une humilité et d'une simplicité dont beaucoup devraient s'inspirer. Son ami de toujours Roland Halcon viens lui de l'orphelinat de Lathandre. De la graine de héro comme on les aime : éblouissant dans l'action, et modestes dans le reste. Notez que bien qu'entraîné par le même homme, le demi-elfe et l'humain possèdent des styles d'escrime complètement différent : Cyril utilise un surprenant mélange du style elfique d'Everaska et les bottes des bretteurs amniens, tandit que Roland s'emploie à la une version améliorée de la Plume de Fer turmishe."

Sans trop se préoccuper de savoir si ses auditeurs suivaient le rythme, le barde continuait, complètement emballé.

"C'est une surprise de voir Kortikan le demi-orque participer. Sa sinistre réputation d'executeur des hautes oeuvres le suit partout. Il doit bien faire ses sept pieds et ses deux cents livres de muscles, et ce n'est pas parceque son maniement de la hache semble manquer de finesse qu'un adversaire rapide doit le sous-estimer. Au contraire, il n'y a pas plus précis qu'un bourreau... C'est un drôle de gaillard : il sait à peine lire, mais ses connaissances en anatomie dépassent celle de bien des livres sur le sujet.

On ne s'attendait pas non plus à voir un moine arriver. Ces gens-là ne méprisent-ils pas les richesses matérielles? A moins qu'il ne concoure que pour le sport. Je l'ai aperçu une fois : il s'entraînait, en équilibre sur le toit d'une auberge, à faire tournoyer son bâton si vite que l'on percevait à peine le mouvement. En revanche je ne sais rien de la fille qui se fait appeler Silence. D'après ce que j'ai pu entendre, elle est pâle comme un fantôme et se battrait à la sembienne, avec deux épées courtes."

Voilà qui ne faisait que confirmer à Hartanis qu'il avait là affaire des compétiteurs hors normes. Le barde pourrait soliloquer encore longtemps sur le sujet, à moins que le nain ne tienne à bien orienter la conversation.

Hivirel sirotait son verre de vin, une vraie piquette humaine, mais les informations intéressantes du barde lui faisait oublier de faire la grimace. Hartanis semblait déjà parti dans ses rêves les plus fous. Mais il n'avait guère tort... Une somme pareille, et la renommée qu'apporte un tel tournoi ne sont point des choses qui s'offrent à des aventuriers tous les jours.

- Y a-t-il des risques à participer ? J'avoue ne pas bien saisir ce que vous entendez par "armes courtoises". Néanmoins je crains que mes talents de dueliste ne soient pas suffisants pour vaincre... Je me dois de mûrement réfléchir à ma participation.

Il but encore une lampée du liquide amer qui se trouvait dans son verre, puis reposa celui-ci : non, décidemment, c'était réellement mauvais...

La question eu l'air de franchement surprendre le barde.

"Et bien, à armes courtoises, avec des armes d'entraînement quoi, comme pour n'importe quel tournoi. Nous sommes entre gens civilisés, pas dans je ne sais quelle arène clandestine de Port-Ponant. Et puis, c'est un prêtre de Tempus qui gère la lice, je suppose qu'il sera là pour soigner d'éventuels accidents."

Il n'empèchait qu'il valait mieux éviter de tomber sur le bourreau demi-orque, dont la force des coups enverraient valser n'importe qui de normalement constitué. Quand Hivirel parla de réfléchir, Uriel ne pu s'empécher d'ajouter :

"Vous savez ce qu'on dit : il n'est nulle gloire sans périls. Et il est certain que plus d'un orgueil ressortira froissé de cette bataille... Et vous maître nain, que pensez-vous de tout ceci?"

Pendant ce temp-là, deux hommes en poussiéreux en uniforme entrèrent dans la taverne. Le gérant eu l'air de bien les connaître.

"Holà, les héros, vous êtes de retour?"

"On reviens du nord, et le capitaine viens juste de nous lacher. Par Tempus j'en ai pleins les pattes, met-nous de bières s'il te plaît."

"Alors, c'est vrai ce qu'on raconte? Tout part à vau-l'eau là-bas?"

"C'est peu de le dire... Tu passe par un village le matin, et en revenant le soir tu le retrouve en cendre."

Le reste de la conversation fût couvert par le brouhaha général. Mais il était cependant clair que certain secteurs frontaliers en particulier, dont celui patrouillé par ces deux soldats, étaient devenu particulièrement dangereux. Pour l'instant cela n'empéchait pas Lunargent même de vivre dans l'insouciance, mais qui sait si ces troubles viendraient à se rapprocher.

Le nain répondit à la curiosité du barde.

-Je ne suis qu'un guerrier qui n'est que trop peu sorti de sa citadelle, à mon grand regret car depuis mon départ je découvre des contrées et des peronnes fortes intéressantes. Un petit regard furtif sur l'elfe appuya ses dires, il feignit un toussotement pour reprende.
Les valeureux guerriers sont reconnus pour avoir parfois un code de l'honneur très spécial, et je pense comme toi que cela relève parfois de l'orgeuil personnel. Il ne fait aucun doute que nombre de participants verront cet honneur baffoué, c'est un peu dommage d'avoir .......


Les propos du nain furent couvert par l'arrivée des deux aventuriers, et par instinct, ou juste par curiosité, il respeta le silence de la talée, afin d'entendre lui aussi ce qui se disait, avant que le tumulte de la taverne ne reprenne.

"La situation en dehors ne semble pas s'arrangeait, au contraire, que Moradin nous vienne en aide."

-La région commence à devenir de plus en plus dangereuse ces derniers temps, tu ne trouves pas, mon bon Uriel ? Lunargent semble ne pas avoir été touchée, jusqu'à maintenant, je me trompe ?

Le barde leva une main.

"Ahrrr, nous vivons des temps difficiles. En fait tout a commencé cet hiver à Nesmè. Les trolls des Landes Eternelles leur ont toujours fait du soucis, mais soudainement, ils semblent s'être regroupés et attaquent avec une virulence rarement vue. Les nesméens sont des gens rudes et fiers. Ils ont attendu des mois avant d'admettre qu'ils avaient besoin de l'aide de Lunargent. Il s'avère que la menace trolle est suffisament sérieuse pour que Taern Lamecornue mobilise un tiers des effectifs."

Uriel se fit resservir un verre, s'arrengeant pour laisser l'auditoire dans l'expectative.

"Mais voilà que les problèmes s'enchaînent. Depuis quelques mois, une troupe fortement armée et mobile sème la terreur entre les monts Rauvin et le col de Lunargent, là d'où reviennent certainement ces deux soldats. Il se pourrait bien que ce soit l'une ou l'autre tribu de barbares Uthgart qui aie décidée de prendre les armes pour une raison qu'ils gardent pour eux. Enfin, on rapporte aussi que les habitants de la petite ville de Quaervarr, dans le Boislune, vivent quasiment en état de siège.

Bref, Dame Alustriel ne sait plus où donner de la tête. Des contingents sillonent le pays en vain pour l'instant. De l'aide a été demandé notamment aux nains de Mithril Hall, mais ceux-ci sont déjà trop préoccupés à assister leurs congénaires de la citadelle de Felbarr contre les orcs. En manque de bras, Alustriel a dû se résoudre à faire appel à l'armée mercenaire menée par le fameux Bâtard dont je vous parlai tout à l'heure. Nul ne sait si le contrat sera finalement signé, ni quel objectif il pourrait leur être assigné."

Il ne restait donc que moins de la moitié des effectifs habituels à Lunargent même. Tout les évenement cités prenait place dans des zones éloignées, à l'exception de Quaervarr. Toutefois, Hartanis savait que ce n'était pas la première fois que les Marches étaient confronté à une crise d'une telle ampleur, et s'en était toujours tiré avec intelligence. Mais connaissant aussi la réputation de dame Alustriel, il fallait reconnaître qu'elle devait sérieusement considérer la situation pour faire ainsi appel à une armée mercenaire.