A l'aube d'un jour nouveau

Les deux hommes discutaient tranquillement dans une langue qu'Orichalque ne connaissait pas, ce qui ne fut pas pour le rassurer au premier abord.

Cependant, lorsqu'ils aperçurent le cavalier, l'un d'eux se porta à sa rencontre. Lorsqu'Orichalque ne fut plus qu'à quelques mètres, il lui parla d'un commun qui était bien celui de Faerûn, quoique dôté d'un certain accent oriental qu'il ne saurait distinguer. Où l'elfe pouvait-il bien se trouver?
L'homme l'interrogea sur un ton mêlant suspicion et inquiétude, mais il essaya de rester cependant le plus chaleureux possible.

"Salutations, voyageur. Permets-moi de t'interroger sur les raisons qui t'emmenent à Velprintalar."

Velprintalar... Ce nom n'était pas étranger à Orichalque... Il l'avait déjà entendu. Au bout de quelques secondes, il se souvint. Velprintalar, le domaine de la Simbule, la capitale de l'Aglarond! Tout n'était pas si catastrophique...

Orichalque observait les deux hommes de l'oeil perçant de celui qui cherche le détail permettant de révéler. Révéler quoi ? Il ne semblait pas encore le savoir...

* J'ai désormais l'habitude de ce regard stupide qui si souvent orne le visage des humains. Cette incrédulité mêlée de méfiance à l'égard des Ar-tel-quessir... Je ne m'en plaindrai pas indéfiniment car je peux parfois être amené à utiliser cela à ma convenance, mais quelle bande d'effrontés, voire d'ignorants ! Combien de cités humaines sont tombées à cause du désir de puissance des elfes ? Stupide créature, tu n'as pas les épaules pour porter le fardeau de ta race, mais... Velprintalar ? C'est bien ce qu'il a dit... Si loin ? *

L'elfe du soleil dont l'air dénotait avant tant d'attention avait désormais le regard vide de celui qui est assommé par une nouvelle qu'il n'attendait pas. Se ressaisissant il regarda le paysage qui l'entourait en faisant faire un tour complet à son cheval. Les gardes, qu'il semblait avoir oublié, pouvait s'apercevoir du changement qui s'était opéré sur son visage : ses yeux affichaient son ardent désir de savoir, de découvrir et il arborait un sourire élégant. Orichalque descendit de sa monture, la tenant par la bride, puis s'approcha des gardes pour leur parler en commun.

" Quel être au monde amoureux de la beauté ne ferait pas une escale en cette cité, joyau de l'Aglarond ? Je ne suis là que pour voir et apprendre mon cher. "

* Les flatter, voilà qui devrait fonctionner avec les humains. Je n'ai d'ailleurs pas grand chose à cacher, mais ils pourraient m'en dire un peu plus sur Velprintalar si je parviens à les rassurer. *

L'homme se détendit aux propos d'Orichalque, et esquissa même un sourire...

"Alors si tu es ici, comme tu l'affirmes, dans un but pacifique, je te souhaite la bienvenue. J'espère que tu trouveras ce que tu cherches ici.
Cependant, reste sur tes gardes et tâche de ne pas éveiller de soupçons. D'autres que moi sont plus envers les étrangers, surtout par les temps qui courent."

Puis il se détourna, reprit son poste, et laissa Orichalque pénétrer dans la cité.

Durant la fouille du sac, Aréna eu le temps d’observer quelques unes des affaires de l’elfe du soleil mais ce qui retint d’emblée son attention furent bien entendu les livres de sort.

*Un magicien ! Excellente nouvelle !*

La jeune femme eut à peine le temps d’afficher un sourire de contentement que déjà elle se rendait compte qu’elle venait, à juste titre, de se faire prendre la main dans le sac par le fameux inconnu qui semblait de très mauvaise humeur. Il était prêt à incanter mais puisque Aréna s’attendait à tôt ou tard être prise en flagrant d’élit, elle ne s’effraya pas le moins du monde intérieurement et elle garda la tête froide.

Elle leva un regard innocent vers l’elfe du soleil puis elle se détourna rapidement comme une simple jeune femme qui serait gênée et surprise par la nudité d’un inconnu.

-Ah ! Excusez moi Monsieur, je…je ne vous avais pas vu.

La voix d’Aréna était douce et sa bonté naturelle donnait plus de crédit à sa démarche, pourtant quelqu’un d’un minimum éveillé aux fourberies aurait rapidement constaté qu’elle ne disait pas la vérité et qu’elle tentait un bluff.

-Je vous en prie ne faites pas ça, je vous assure que je n’ai rien pris ! Seul la curiosité a motivé mon geste !

La voix d’Aréna était toujours aussi douce mais cette fois on pouvait clairement percevoir de la sincérité dans son discours : elle ne mentait pas.

Elle était toujours détournée et si Orichalque était quelqu’un de mal intentionné elle aurait fait une cible facile, pourtant, Aréna se dit que cette fois encore elle devrait tenter sa chance et placer sa confiance dans cet étranger ; elle lui présentait son dos : allait-il l’attaquer ou l’épargner ? Quitte à y laisser des plumes, elle préférait savoir tout de suite de quel bois était fait l’elfe du soleil et secrètement elle espérait ne pas se tromper sur la personne car elle désirait ardemment en savoir plus sur cet étonnant voyageur surtout depuis qu’elle avait découvert qu’il était magicien.

Orichalque avait observé la réaction de la jeune femme sans faire le moindre geste mais son expression trahissait son indécision et son étonnement.

* Où suis-je encore tombé ? Cette personne semble essayer de justifier une tentative de vol, ou une fouille tout au moins, par le simple fait qu'elle ne m'ait pas vu. Les habitants de ces contrées auraient-ils hérité des us drows ? Un larcin ou un meurtre n'est passible de poursuite que s'il reste des témoins ou des survivants... Je ne peux croire pour autant que cette réaction est celle d'un être machiavélique. J'avoue m'être déjà trompé de nombreuses fois sur la nature des gens mais j'aime courir le risque d'écouter mon coeur. *

Orichalque s'approcha de la jeune femme et de son sac. Il restait prêt à agir au moindre geste de la demoiselle et la jaugeait de son regard intense. De l'aigle il tenait ce regard perçant. Du chat il avait adopté la démarche légère. Jamais il ne sa doutât que ce puisse être sa nudité qui gênait la jeune femme.

* Elle m'offre son dos... Est-ce encore une coutûme locale ? Celui qui surprendrait son voleur aurait le droit de cuissage ? Je devrais cesser de prendre tous les humains pour des ignares barbares. Il est évident que cette femme m'avait vu me baigner. Elle savait qu'elle allait être prise la main dans le sac, et j'avoue que je suis avide de savoir quelles sont ses intentions. *

Arrivé à deux mètres d'elle, il prit la parole d'une voix autoritaire et sonore.

- Retournez vous doucement. Regardez moi et montrez moi vos mains, paumes tendues.

Orichalque attendait la réaction de la jeune femme mais il ne put s'empêcher de rajouter avant que celle-ci ne s'exécutât :

- Vous savez que la curiosité ne peut justifier un tel geste aux yeux de la loi, n'est-ce pas ?

Puis plus bas il énonça ces mots en elfique :

- [elfique] ... du moins je l'espère...

Aréna ne s’attendait certes pas à une telle demande.

*Le regarder ? Mais il ne s’est toujours pas rhabillé il me semble !*

La jeune femme avait effectivement observé un très court instant l’elfe du soleil tandis qu’il se baignait mais à ce moment là les choses étaient différentes, elle avait observé le jeune homme comme on observe une peinture rare ou un objet digne d’un intérêt presque scientifique mais à présent elle avait prit contact avec lui : cela donnait à cette personne un aspect beaucoup plus commun, il était de chair et de sang, en vie et bien réel ! La rêverie ou la science n’avait plus sa place ici.

L’humaine se retourna tout de même lentement comme l’avait exigé Orichalque mais ses yeux étaient toujours rivé au sol. Elle prit la parole à nouveau d’une voix hésitante comme si elle réalisait tout à coup l’étrangeté de la situation et la témérité dont elle avait fait preuve jusque là.

-Mais puisque je vous dis que je n’ais rien pris ; vérifiez par vous-même si vous ne me croyez pas. La loi interdit effectivement le vol mais en l’occurrence…aucun vol n’a été commit.

Un faible sourire se dessina sur les lèvres d’Aréna, elle était à la fois embarrassée et à la fois un peu inquiète : avait-elle affaire à un homme dangereux ?

*Allons, ce n’est pas le moment de reculer ! C’est un magicien tout comme moi, je veux en savoir plus sur lui…croisons les doigts*

Elle finit par relever les yeux mais elle évita soigneusement d’attarder son regard sur le corps de l’elfe et elle se concentra directement sur son visage. Elle plongea un regard intense dans les yeux de l’elfe du soleil et malgré le masque qui dissimulait en partie le visage d’Aréna, on pouvait lire toute l’innocence et la force morale de la jeune femme dans ses traits fins.

Elle avait un peu peur, c’était très visible mais malgré tout, elle finit par tendre ses deux mains en avant dans un geste certes gracieux mais qui laissait clairement transparaître son doute et sa réticence.

*Je fais une cible facile ! Si Linus ou Phinéas me voyaient agir de la sorte ils en tomberaient des nues…*

Les bras fins de la jeune femme tremblaient un peu mais elle n’arrêta pas son geste, sa crainte et ses doutes ne faisaient pas le poids face à son envie de découverte et sa passion pour l’art.

Orichalque regardait attentivement la jeune femme s'exécuter. Il lui avait demandée de lui présenter ses mains mais tout comme elle c'était ses yeux qu'ils fixaient.

* Elle semble soigneusement éviter de regarder les parties de mon corps qui n'appartiendraient pas à mon visage... Ce qu'on dit est donc vrai ! Les humains répugnent à montrer leur corps par pudeur. Amusant... *

L'elfe du soleil chercha alors du regard d'autres personnes éventuelles qui observeraient la scène offusquées. Il semblait alors ne plus vraiment regarder la jeune femme qui lui faisait face.

* Elle semble honnête et un point de contact local ne pourrait que m'être d'une grande utilité. D'autre part, je n'ai pas envie d'argumenter avec elle sur le fait que son acte est outre déplacé, hors la loi. Ce débat ne déboucherait sur rien à part une perte de temps inexorable. *

Orichalque reporta son attention sur l'humaine aux bras fébriles. D'un geste de l'index il lui intima qu'elle pouvait baisser les bras. Secouant la tête, il poussa un léger soupir de dépit en affichant un sourire amusé. Puis il s'adressa à la jeune effrontée sur le même ton empli de confiance, la voix à présent chaleureuse.

- Bien, je vous crois... Mais puisque vous connaissez le contenu de mon sac et que vous semblez sottement gênée par ma nudité, vous pourriez peut-être remettre votre nez dedans pour me passer mes vêtements. Si cela ne vous gêne pas bien sûr... je ne voudrais pas paraître vous commander. Ensuite vous devrez parler avec moi pour excuser ce geste outrancier commandé par votre curiosité maladive.

Reprenant son port altier, l'elfe du soleil posa ses mains sur ses hanches et attendit la réaction de la petite curieuse.

* Pourquoi porte-t-elle un masque ? Est-ce une coutume locale ? J'ai bien cru apercevoir d'autres femmes dans Velprintalar et elles n'en portaient pas... une religion locale ? une caste régionale ? une protection contre les regards ? Dans ce dernier cas... ce serait plutôt un accessoire pour montrer tout ce qu'elle veut cacher... enfin, nous verrons bien. *

Aréna n’osait même pas exprimer son étonnement devant tant d’insouciance à exposer son corps en publique comme le faisait sans gène l’elfe.

*Oh ! Etrange…Est-ce quelqu’un de peu pudique ou est-ce simplement lié à sa condition d’elfe du soleil ?*

La jeune femme n’eut pas le temps d’y réfléchir d’avantage car déjà Orichalque lui demandait de bien vouloir lui apporter ses affaires.

-Ah ?! Excusez moi, je n’avais pas remarqué que vous souffriez à ce point…vous vous êtes fait mal au dos ?

Innocemment (ou sottement ?) Aréna se dit d’emblée que si le jeune homme lui demandait son aide c’est qu’il devait être blessé ou incapable physiquement de se débrouiller tout seul pour reprendre ses vêtement. On dit que trop de bonté rend les gens aveugles, c’était certainement le cas pour la jeune humaine car pas un instant elle ne s’imagina qu’il ne puisse s’agir d’autre chose et que tandis qu’elle croyait rendre service à l’elfe comme on rend service à un égal, elle était en réalité entrain de le servir comme on sert un maître.

Aréna tendis donc les vêtements à Orichalque mais elle n’osait toujours pas le regarder. Une fois cella fait, elle s’éloigna tranquillement de trois pas tendis qu’elle ajoutait d’une voix douce et insouciante :

- Je suppose que vous êtes un voyageur car vous n’êtes pas d’ici, c’est évident. J’habite à Velprintalar et si vous le désirez je vous propose le gîte et le couvert pour me faire pardonner mon audace…

Un faible sourire illumina le visage de la jeune femme avant qu’elle ne continue sa phrase :

- Puis-je vous poser une question indiscrète ? Etes-vous magicien ?

* Me suis-je fait mal au dos ? Ironise-t-elle ? Mais elle affiche un air tellement honnête aussi... Je sais nourrir ma paranoïa quant à la perfidie humaine mais je ne vais pas non plus déformer la réalité pour que celle-ci soit rassasiée ! *

Orichalque prit délicatement les vêtements que l'humaine lui tendait. Alors qu'Aréna faisait son possible pour détourner son regard de la nudité d'Orichalque, ce dernier se vêtit avec adresse, la peau encore humide. Il écoutait néanmoins avec attention les paroles de la jeune femme.

* Elle me propose le gîte et le couvert... Que dire ? C'est bien aimable et j'ai envie d'accepter mais si c'était un piège typiquement humain ? Ils sont prêts à tout lorsqu'il s'agit d'étendre leur domination. Mais au diable la prudence ! Les mages ont beau se targuer d'être de grands sages, ce ne sont pas ceux-là qui font les plus grandes choses : la chance sourit aux audacieux et la Dame des Mystères a toujours affiché son penchant pour le chaos. *

Ses fins vêtements enfilés, l'elfe du soleil s'accroupit, jeta un fugace coup d'oeil dans son sac et le ramena près de lui. Il s'assit en tailleur, le regard dirigé vers l'écume produite par les vagues formées par la Mer des Étoiles Déchues. Il avait répondu au sourire de la jeune femme par un sourire chaleureux et charmeur mais lui tournait le dos à ce moment.

* Il semble que rares soient les vagues qui cheminent sans produire d'écume... *

Orichalque tourna la tête vers Aréna et tapota le sable à côté de lui de sa main gauche.

- Venez vous installer près de moi et nous discuterons mademoiselle.

Puis il regarda derechef vers la mer et rajouta avec un éclat d'espoir dans les yeux :

- [elfique] Parlez-vous l'elfique ?

Aréna ne se fit pas prier et elle s’installa sans faire de manières à coté d’Orichalque mais pourtant elle se saisit légèrement lorsque celui-ci lui demanda si elle parlait la langue des elfes.

*Aurait-il remarqué quelque chose de suspect dans ma façon d’agir ? J’espère n’avoir rien dit ou fait qui puisse trahir ma véritable condition. *

La jeune femme se reprit tout de même rapidement en se disant qu’au fond les demi-elfes étaient nombreux dans la région et qu’elle ne devait certainement pas être la seule humaine dans les environs à savoir parler elfique.

Elle répondit donc sur un ton apaisé et confiant :

-[Elfique] Vous avez vu juste cher inconnu : je parle effectivement cette langue. Cependant, vous vous êtes bien gardé de répondre à ma question…

Aréna était assise juste à coté de l’elfe du soleil, la proximité de l’inconnu ne semblait guerre la gêner et il émanait de la jeune femme une sympathie et un calme rare.

Après avoir suspendu son discours un bref instant, elle reprit la parole mais cette fois ce n’était plus en elfique, de plus son ton était étrangement plus grave et plus sérieux à présent :

-N’ayez crainte, je ne suis pas de ceux qui vous blâmeront ou vous rejèteront uniquement parce que vous pratiquez l’art. J’aime la magie de tout mon cœur, confiez vous sans crainte.

Elle plongea un regard tinté par la détermination dans celui de l’elfe en oubliant totalement la distance dérisoire qui séparait son visage du sien et le fait que d’habitude elle évitait de fixer les gens de trop près de peur qu’il la jugent…comme s’il on pouvait voir à travers le masque les blessures physiques et les sombres secrets qu’elle portait en elle.

Orichalque regardait tour à tour l'air insouciant de la jeune fille installée à ses côtés et les mouvements inexorables des vagues qui déferlaient sur le rivage.

* Pendant que nous regardons les vagues et leur relatif danger, nous passons peut-être à côté des autres beautés ou dangers que la mer recèle. Je me demande s'il en est de même avec cette demoiselle. Notre regard est naturellement attiré vers ce masque qu'elle porte, mais ne serait-ce pas plutôt pour détourner l'attention d'autres choses ? *

Orichalque mêla son regard pénétrant à celui de la jeune femme. Il n'était plus intéressé par le masque et semblait s'en affranchir avec une facilité déconcertante. Il jaugeait l'humaine, le menton haut, mais ses traits esquissaient un sourire. Il prit la parole comme on déclame un poème, ne prenant pas gare non plus à la petite distance séparant leurs visages.

- Mademoiselle, je suis bien aise de savoir que vous parlez l'elfique. C'est qu'il me fait du bien de converser de temps en temps dans ma langue maternelle. J'avoue parfois regretter de ne pas plus souvent entendre les douces consonances mélodiques de l'elfique.

L'elfe du soleil s'enjouait peu à peu alors qu'il parlait.

- Mais si je me plais ici, peut-être chercherai-je à apprendre le langage local... ça m'aidera sûrement à comprendre votre culture.

Orichalque marqua une pause et sembla réfléchir quelques instants avant de rajouter d'une voix plus grave :

- Les Ar-tel-quessir ont une grande tradition dans la pratique de l'Art, et je l'ai suivie. Je n'éprouve aucune honte à cela, bien au contraire. Et sachez que nous avons donc au moins un point en commun : nous sommes éperdument épris de magie.

* C'est une chance que cette jeune fille aime la magie... elle est sûrement érudite pas la même occasion. Et ainsi, si je gagne ses faveurs, je pourrais sûrement accéder au savoir que je convoite avec davantage de facilité. Et si elle pratiquait elle-même l'Art ? Cela parait plus que probable lorsqu'on en est épris. *

Aréna semblait ravie, elle venait d’avoir la confirmation qu’Orichalque était effectivement un magicien.

-N’ayez crainte, je convaincrais les autres pour qu’ils vous accueillent chez nous ! C’est vrai que les magiciens sont mal vus dans la région et que je risque d’avoir du mal à persuader Linus mais tout ira bien j’en suis sure ! Il comprendra puisque….

La jeune femme semblait plus parler pour elle-même que pour son interlocuteur mais elle se reprit en se rendant compte que sa joie lui avait fait totalement oublier de rester sur ses gardes. Elle toussota puis elle ajouta un peu calmée :

-Au fait, je m’appelle Aréna Wickham.

Elle lança un sourire à l’elfe du soleil, c’était un sourire simple et bienveillant puis elle enchaîna presque aussitôt :

-Vous venez de loin comme ça ? Ne me dite pas que vous venez du Thay, ce serait un comble ?

Au ton amusé de la jeune femme on se rendait bien compte qu’elle plaisantait et qu’elle ne pensait absolument pas que l’elfe du soleil puisse venir de la nation ennemie d’Aglarond, pourtant les gens étaient très suspicieux dans la région et l’on avait tendance à soupçonner les étrangers d’être des ennemis infiltrés.
Aréna dérogeait à la règle, au fond elle n’était pas née à Aglarond mais ce n’était pas vraiment ça qui était la cause de sa différence, elle avait toujours été beaucoup moins revêche et moins prudente que son entourage, d’ailleurs son insouciance donnait des cheveux blanc à ses parrains.

Orichalque regardait l'innocente jeune fille avec émerveillement.

* Comment douter de sa franchise ? Même si certains de ses traits semblent montrer qu'elle a vécu plus qu'elle ne parait, cette humaine est d'une étonnante fraîcheur. Que j'aime voir un sourire sincère ! C'est celui-ci que les usurpateurs ont le plus de mal à imiter, car c'est toute la puissance de la nature qui ressurgit dans cette simple contraction des zygomatiques. *

L'elfe du soleil souriait à Aréna, l'air absent. Il se ressaisit et regarda les traits de son visage que son masque laissait apparents.

- Alors les magiciens sont mal vus ici ? Vous êtes vraiment d'étonnantes créatures ! Je n'ai pas une incommensurable connaissance de votre pays mais le fait est que je suis sûr d'une chose : sans sa Reine, l'Aglarond serait bien moins bien protégé et respecté. Et si La Simbule n'est pas magicienne, alors je ne suis pas Ar-tel-quessir !

* La logique manque cruellement aux humains... *

Orichalque rajouta d'une voix rassurante :

- Je sais que vous n'y êtes pour rien Aréna... mais j'espère que vous éclairerez ma lanterne en ce qui concerne ces étranges peurs. Sinon, je suis Orichalque Xilonodel et oui, je viens de loin, de bien plus loin que ce que vous pouvez penser même.

* En fait je pense que je viens d'encore plus loin que moi-même je ne le pense... Qu'est-il arrivé aux autres ? Ces maudits traîtres les ont-ils eus ? Il doit faire nuit noire en ce moment dans le Cormanthor... J'ai de nouveau abandonné mes alliés. Cette fois-ci bien malgré moi certes, mais au bout du compte c'est la même chose : je ne suis pas là pour ceux qui auraient besoin de moi. *

Aréna fut un peu surprise de constater qu’Orichalque n’était pas au courrant pour l’aversion qu’éprouvaient certains Aglarondiens vis-à-vis de la magie puis elle se rendit compte que son interlocuteur semblait vraiment débarquer de très loin et elle se dit que cela expliquait probablement la chose.

*Mais ça reste étrange tout de même…il aurait dû en entendre parler durant son voyage ?*

-Les habitants des cotes d’Aglarond ont en effet des difficultés à accepter les lanceurs de sorts, c’est principalement à cause des sorciers rouges du Thay qui ont marqués de leur emprunte néfaste l’esprit des gens…donc je ne sais pas si on peut vraiment reprocher aux Aglarondiens leur paranoïa car la guerre laisse bien des cicatrices. En fait je trouve leur peur et leur ressentiment très…humain.

La jeune femme changea de place pour se mettre à genoux dans le sable directement en face de l’elfe du soleil, elle devait probablement trouver plus confortable cette position car à peine réinstallée elle enchaîna toujours d’une voix claire :

-Même les lanceurs de sort nés à Aglarond sont regardés avec suspicion donc je vous conseille d’être discret quand à votre pratique de l’art d’autant que en plus d’être magicien vous êtes un étranger et tout le monde sait que les étrangers ne sont pas particulièrement bien accueillis, toujours pour les mêmes raisons : la peur de tomber nez à nez avec des ennemis originaires du Thay infiltrés.

Le visage d’Aréna, qui s’était un peu durcis durant son discours, retrouva tout à coup sa douceur et sa bonté habituelle.

-Les demi-elfes qui peuplent les bois sont beaucoup plus tolérants avec les lanceurs de sorts, peut être cela vous intéressera-t-il de le savoir ? Pour les rencontrer il faudra vous éloigner des cotes d’Aglarond et vous enfoncer bien plus haut dans les terres…

Orichalque suivait des yeux les mouvements de la jeune femme puis quand elle se fut installée il s'affaira à contempler le va et vient de ses lèvres entre deux sourires.

* Elle semble encline à me faire découvrir les mystères de cette contrée. C'est encore une rencontre bien tramée que celle-là ! Nous verrons plus tard si le croisement de nos fils sur la tapisserie du destin est finalement une heureuse chose. *

Orichalque caressa machinalement son menton de sa main droite, l'air penseur.

- C'est tout de même amusant de voir comment est constitué l'esprit humain. Ils ont juste peur de ce qu'ils ne comprennent pas car il existe bien des dangers qui n'ont pas trait à la magie ! Et puis votre Reine est l'exemple même du fait que la magie peut être un puissant allié. Enfin, passons sur les croyances futiles du monde rural.

L'elfe du soleil fit une moue entendue puis afficha un léger sourire.

- Je ne sais que peu de choses sur vos contrées, mais je ne crois pas me tromper en disant que les Ar-tel-quessir sont très peu nombreux à Thay. Voilà qui devrait rassurer les passants.

Orichalque se leva avec grâce et désigna d'un geste de la tête une direction au-delà des la dune.

- Mon cheval est attaché avant que le sable ne prenne le pas sur la terre. Allons le récupérer s'il vous plaît. Je dois vous avouer que mon voyage fut éreintant et que j'ai besoin de m'adonner à la rêverie afin de reprendre des forces.

Aréna se releva à son tour. Elle se débarrassa distraitement des grains de sables qui s’étaient accrochés à sa robe d’un geste lent, visiblement elle était perdue dans ses pensées.

-La peur n’est pas le propre de l’humain, enfin je le crois, de plus même les êtres les plus instruits et les plus éminents de ce monde y sont soumit par bien des façons…

*Ce serait trop facile sinon.*

Mais en réalité ce n’était pas cela qui préoccupait la jeune femme, elle était songeuse car en fait elle repensait à la Simbule.

*Oui la reine est certainement une grande dame et une grande magicienne mais il est vrai également que certaines personnes ne la portent pas particulièrement dans leur cœur…malheureusement.*

Aréna se dirigea d’un pas lent vers la direction que lui avait indiqué Orichalque, elle supposait qu’il la suivrait et que même il ne tarderait pas à la dépasser vu sa démarche peu rapide.
Tout à coup elle sortit de ses pensées puis elle déclara un peu plus concentrée et d’une voix claire :

-En réalité ce sont surtout des demi-elfes qui peuplent la région mais bien qu’ils soient plus nombreux que partout ailleurs, la population d’Aglarond reste en majorité constituée d’humains.

Elle afficha un sourire complice puis elle ajouta presque aussitôt :

-Non, en effet vous ne devriez pas avoir de soucis de ce coté là…encore que, c’est bien la première fois que je vois un elfe du soleil !

La jeune femme lanca un regard scrutateur mais empli d’admiration à Orichalque, en réalité, elle s’extasiait encore devant la beauté de sa peau dorée.

*Magnifique ! Et dire que chez lui tout le monde doit être comme ça !*

* Encore et toujours cette même expression figée sur le visage des humains qui me croisent... quoiqu'elle ne semble pas éprouver d'appréhension contrairement à la plupart de ses congénères. *

Tout en se dirigeant vers la direction indiquée, Orichalque n'avait de cesse de contempler la colline qui lui faisait face.

* Ce palais doit regorger de tellement de mystères ! Je me demande si sa visite m'apporterait davantage de réponses que de questions... mais j'en doute, et c'est ça qui est intéressant. *

Un sourire chaleureux au coin des lèvres, l'elfe du soleil marchait légèrement sur le sable qui peu à peu chauffait avec le soleil montant.

- Je suis ravi de voir que vous partagerez votre savoir sur l'Aglarond avec moi avec autant d'enthousiasme. Vous m'avez dit être férue de magie... en quoi cela se traduit-il chez vous ? Pratiquez-vous l'Art ?

Aréna fut un peu prise de court par cette question qu’elle redoutait et qu’en même temps elle s’attendait à entendre depuis qu’elle avait avoué aimer la magie à l’elfe du soleil.

*Ah ! Que faire ? Si cet homme est quelqu’un de bien comme je l’espère et que je lui ment il ne m’accordera jamais plus sa confiance mais si par contre il est quelqu’un de peu scrupuleux ou de mauvais dans le fond il risque de m’attirer des ennuis si je lui avoue la vérité.*

La jeune humaine expira tandis qu’à son tour elle fixait l’horizon tout en marchant.

*Très bien, je prends le risque ! De toute manière lui et moi sommes dans le même bateau…même si en réalité j’ais beaucoup plus à perdre que lui dans toute cette histoire*

L’humaine afficha un faible sourire mais en réalité son regard exprimait une étrange tristesse lancinante qui sembla tout à coup resurgir du tréfonds de son âme tourmentée.

-Oui en effet, une fois encore vous avez deviné juste : je suis également magicienne mais en fait je suis encore novice.

La lueur sombre disparu tout à coup du regard d’Aréna pour laisser sa place à la douceur et la joie qui caractérisait si bien la jeune femme et elle ajouta presque aussitôt :

-Il me reste tant à apprendre mais…j’en suis ravie ! Chaque jour je découvre de nouvelles choses et chaque jour mon cœur s’emballe rien qu’à l’idée d’ouvrir mon grimoire et de travailler mes sortilèges. La passion de l’art est toujours bien vivante dans mon âme, elle donne un sens à ma vie.

* Ces paroles résonnent dans mes tympans d'un son si probe, pur et authentique qu'elles me rappellent ma propre histoire. La magie donne un sens à sa vie... comme je la comprends ! Je me suis souvent demandé ce qu'il adviendrait de ma personne dans l'éventualité où je perdrais mon lien avec la toile, et toujours le même conclusion s'imposait à moi : c'est la base sur laquelle toute ma vie est construite. Sans elle ma raison s'en irait aussi inexorablement que le Soleil chasse Sélûné chaque matin. *

Orichalque souriait naïvement, plongeant son regard dans celui d'Aréna. Ses yeux exprimaient, comme il était si fréquent de le voir dans les yeux de l'elfe du soleil, des sentiments duales : la douce mélancolie du souvenir et l'intérêt naïf inspiré par la curiosité. Cette dualité observée dans les yeux de l'ar-tel-quessir semblait ne faire qu'un avec son être et cela pouvait parfois s'avérer perturbant. Une chose est pourtant certaine : Orichalque a vécu des moments intenses, que ce soit dans le sens de la souffrance ou dans celui du bonheur.

- J'aime à entendre tenir un pareil discours ma chère. Et je vous avoue que l'Art prend également dans ma vie une place primordiale...

* Pourquoi lui avouer cela ? En me confessant de la sorte j'expose ma gorge à l'avidité humaine... Peut-être suis-je fatigué ? Peut-être ai-je besoin de soulager quelque peu le fardeau qui est le mien en le partageant ? Non, je n'aurai pas cette faiblesse. Je saurai percer les perfidies qui m'attendent en cette cité. *

L'elfe du soleil, arrivé près de son cheval le détacha et prit sa bride par la main gauche. Sa mine s'était rembrunie depuis ses dernières paroles et il prit la parole d'un ton neutre :

- Où pourrais-je me reposer pendant quelques heures sans être dérangé à votre avis ?

* J'ai bien sûr entendu qu'elle m'avait proposé le gîte mais je ne m'imposerai pas. Et sa réponse peut être intéressante : si elle fait tout ce qu'elle peut pour m'amener chez elle je commencerais à me poser des questions quant à ses intentions. *