Héros en devenir

La prévôté se situait non loin de là : un bâtiment administratif en forme de petite tour carré, à l'angle d'une rue. Une petite volée de marches menaient à la porte, au-dessus de laquelle étaient suspendues les armes de la ville. En ne voyant personne, Telvan crût d'abord s'être trompé, mais comme la porte était entrouverte, il poussa l'exploration. Et effectivement six personnes attendaient déjà dans le vestibule, face à une porte fermée. Ils devaient certainement attendre l'arrivée d'un officiel.

Peu de temps après le passage de Telvan, Sol mis pied à terre et attacha la longe de son destrier à un poteau. La chevalière grimpa les marches dans un cliquetis d'armure métallique et entra à son tour. Deux autres types se présentèrent juste après elle. Cela commençait a faire beaucoup de monde dans cette pièce de taille plutôt modeste, et l'attente se poursuivit, dans un silence un peu gêné. Il faut dire qu'aucun ne donnait particulièrement envie de faire la conversation. Parmi ces têtes de tueurs, quelques uns s'en détachaient : un nain appuyé sur sa hache, et dans le fond un grand archer aux cheveux longs et aux bacchantes soignées.

Sol reconnu un homme de son milieu, en armure complète frappée du signe de Torm, probablement un paladin. De son côté, Telvan remarqua non loin de lui un jeune garçon tout juste sorti de l'adolescence, avec des restes d'acnés portant une grande arbalète de bonne facture, qui devait être son seul bien au vu de sa tenue poussiéreuse.

Finalement, l'attente ne dura pas tant que ça. Un homme fluet en habit de notable entra à son tour dans la pièce, avec un rouleau de parchemin sous le bras.

"Ah, ça c'est remplis plus vite que je ne le pensais. Bien, autant ne pas attendre d'avantage."

S'éclaircissant la voix, le fonctionnaire déroula le parchemin et démarra son exposé.

"La présente offre émane du châtelain Kurt de Telsterr, suzerain du bourg de Saekel, qui s'engage à payer la somme de deux milles pièces d'or à qui mettra hors de nuire la créature qui ensanglante ses terres."

Une courte pause.

"Pour résumer la situation, en l'état de nos connaissances actuelles : ladite créature s'est manifesté la première fois il y a quatre semaines, en massacrant la moitié d'un troupeau d'un éleveur de la région. Elle a ensuite attaqué un autre troupeau deux jours plus tard, tuant également les trois bergers qui en avaient la garde. Deux autres ont été tué quatre jours plus tard.

Les battues dans la montagne pour débusquer la créature se sont soldés par cinq morts supplémentaire. Le monstre a également détruit une ferme isolée et tué son occupant.

Au final, la Bête a tué onze personnes et cent vingt quatre têtes de bétail. Les informations à son sujet sont très vagues et sujettes à caution. Son activité semble plutôt nocturne, et sa taille varie de celle d'un gros boeuf à celle d'une carriole selon les rares témoignages."

Il roula son parchemin.

"Pour les modalité de paiement, le châtelain demande à ce qu'on lui présente la dépouille de la Bête ou ce qu'il en restera. Des questions?"

Après cet exposé plutôt sinistre, quelques murmures s'élevèrent. Probablement certain se demandaient à présent si le jeu en valait la chandelle.

Au milieu des murmures, Telvan resta pensif. C'était certes une grosse somme qui était proposée mais d'un autre côté, il était seul et il lui serait difficile de massacrer cette bestiole en étant seul.

Bien entendu, les pertes humaines n'étaient que de simples paysans et il supposait que c'en était de même pour les victimes lors de la battue. Donc un homme d'armes aurait sûrement plus de chances de l'emporter qu'un paysan ne sachant manier autre chose qu'une fourche.

De plus, quelques pièges bien placés suffiraient à affaiblir le monstre pour lui porter le coup de grâce.

"Ce n'est qu'un animal après tout..." se dit-il.

Il observa attentivement autour de lui pour voir avec qui il pourrait faire équipe. Quatre personnes attiraient son attention.

Tout d'abord, le nain avec sa hache qui pourrait combattre la Bête de Saekel au corps à corps pendant qu'il pourrait abbatre le monstre à distance. Cependant, il ne savait pas à quoi s'attendre avec les nains, il en avait bien déjà croisé lorsqu'il était avec le groupe d'Anavir mais ses anciens compagnons décrivaient cette race comme des êtres rustres, fiers, bagarreurs et surtout radins. Il était possible qu'il veuille s'occuper de ce monstre seul pour ne pas avoir à partager la récompense.

L'archer, quant à lui, attira l'attention de Telvan plus pour son aspect que pour son. Quelque chose disait à Telvan de ne pas lui tourner le dos.

Un homme en armure attira aussi son regard du mercenaire. Il devait être un chevalier et pour Telvan, ce genre d'homme pourrait être utile pour contenir une bestiole.

La dernière personne était ce gosse à l'aspect miteux qui ne semblait porter qu'une arbalète et Telvan se demanda ce qu'un gamin de cet âge pouvait faire dans un endroit pareil. Ici, ce n'était pas un jardin d'enfants. Pourtant, le mercenaire ne put s'empêcher d'avoir du respect ainsi que de la compassion pour cet adolescent et il se disait que ce serait bien de pouvoir faire équipe en sa compagnie pour ne serait-ce que le protéger voire le dissuader de risquer sa jeune peau là-dedans avec si peu d'attirail.

Le problème restait le partage de la prime, 2000 pièces d'or, ça faisait un sacré magot et ce ne serait pas étonnant que des personnes qui ne se connaissent pas puissent tuer leur congénères pour avoir une plus grosse somme.

Telvan éleva la voix alors.

"Pour la prime, si quelques unes forment une équipe pour abattre la Bête, sera-t-elle partagée ou sera-t-elle de 2000 pièces d'or par tête ?"

Question stupide, il est vrai car il pensait déjà connaître la réponse mais elle aurait déjà pour but de dissuader quelques hommes à vouloir s'en charger, ce qui n'est pas rien.

Des rictus se dessinèrent un peu partout sur les visages, et quelques ricanements se firent entendre. Mais le fonctionnaire perdit un peu de son air sévère.

"Vous rêvez l'ami... monsieur de Telsterr paye deux milles pour avoir la peau de la Bête. Pour le reste, débrouillez vous."

Il semblerait que tout ce que Telvan avait gagné, c'était de passer pour un débutant dans ce métier. Ce qu'il était, en fin de compte, mais peut-être que ça compliquerait un peu sa recherche d'éventuels 'associés'.

"Est ce que quelqu'un a déjà réussi à blesser cette chose ?"

C'était le jeune garçon qui venait de parler, recalant nerveusement le fût de son arbalète sur l'épaule.

"Pas directement. On nous a rapporté qu'après la première attaque, les bergers ont posés des pièges à ours autour des enclos. Certain d'entre eux ont disparu, ne laissant que quelques traces de sang."

Visiblement, la Bête aurai mis le pied dedans et serait parti avec. Ce qui donnait, une fois de plus, une idée de sa force. En observant un peu, on pouvait constater certaines moues pincées, qui trahissaient les moins motivés. Pour le reste, le nain gardait une mine imperturbable, le grand archer se frottait le menton pensif, le paladin semblait concentré et le jeune se mordillait la lèvre inférieure.

Sol était debout dans la tour de la prévôté, une main posée sur le pommeau de son épée, son bouclier dans le dos. Elle avait été la dernière a entrer mais elle n'avait rien manquée des explications. Elle jeta un coup d'oeil à droite et à gauche, remarquant le nombre important de personne qui aurait été prête à se jeter à l'aventure. Toute les races, les âges, et les classes confondues. Un nain était présent, chasseur de prime était un métier courant chez eux. D'autres guerriers, plus ou moins recommandables, écoutaient avec attention les paroles du prévôt.

Alors il s'agissait d'une véritable bête, qui avait tuée une dizaine de personnes ? Cela était bien trop sauvage et sanguinaire pour être un animal ordinaire, il devait s'agir de quelque chose de plus anormal et de peu commun. La mission devenait véritablement intéressante.

Assimilant les informations, Sol fut tirée de sa réflexion par un homme qui venait de poser une question :

"Pour la prime, si quelques unes forment une équipe pour abattre la Bête, sera-t-elle partagée ou sera-t-elle de 2000 pièces d'or par tête ?"

Pourquoi tout le monde se regardait en chien de faïence si cela était le cas ? Chacun semblait à prêt à tuer l'autre pour récupérer la prime. La seconde question était plus réfléchie. La bête semblait avoir subit quelques écorchures, rien de très handicapant... Inquiétant quand il s'agit de pièges ours... Voilà qui renforçait l'hypothèse de quelque chose de plus surnaturel que naturel. A cette nouvelle plusieurs mercenaires semblèrent beaucoup plus hésitant à se lancer à l'aventure, la probabilité d'y laisser sa peau augmentait d'un seul coup.

Pour Sol il n'en fallait pas plus pour qu'elle décide d'y aller. Autant se rendre tout de suite à Saekel pour commencer à chercher. Mais la guerrière se posa ensuite une question vitale : devait-elle faire équipe avec quelqu'un ? Peu lui inspirait confiance, sauf peut-être l'homme en armure, un chevalier au service de Torm. Les autres paraissaient peut-être trop déterminés à garder l'or pour eux, -tout- l'or, à n'importe quel prix. Les paladins sont loyaux et ne trahissent pas leurs compagnons... Enfin fallait-il que celui là veuille s'associer avec quelqu'un.

La jeune femme décida de trouver la réponse à cette question plus tard, une fois arrivée à Saekel, elle verra là bas qui aura eu le cran de se battre contre la bête. Elle tourna les talons et s'éloigna. Quittant les lieux pour reprendre son cheval, elle prit la direction du bourg de Saekel, pour ça elle demandera la direction au premier garde qu'elle rencontrera.

Finalement, les mercenaires sortirent lentement de la salle, certain plus dubitatifs que d'autres. Parmi les premiers à sortir, Sol récupéra son cheval sans perdre de temps et quitta les lieux au petit trot. Lorsque Telvan sorti à son tour, il vit le grand archer qui parlait au nain dans la langue de ce dernier. Peut-être étaient-ils amis, ou bien ils concluaient déjà une alliance... Ils se séparèrent néanmoins après un échange rapide.

Le jeune arbalétrier descendit les marches d'un pas lent, visiblement absorbé dans ses pensées. Il en allait de même pour le paladin, sauf que celui-là avait l'air inspiré de ceux qui viennent d'être touché par la grâce. Il semblerait qu'il venait de trouver sa mission divine. Quand aux autres, ils se dispersèrent assez rapidement.

[Sol prend de l'avance et se retrouve >ici<]

Le chemin ne passait pas directement par le campement. Une fois arrivé à sa hauteur, il faudrait sortir de la route, et grimper une petite colline sur vingts ou trente mètres, le foyer se trouvant juste de l'autre côté.

Les alentours n'offraient pour le moment que quelques arbres épars. Seule la nuit et des herbes un peu hautes lui offraient une protection. Grossièrement, Telvan avait deux choix pour approcher ce campement. Soit côté route, où fait d'être de l'autre côté de la colline lui assurait une progression à couvert, mais il ne verrait les occupants du camp qu'en montant à son sommet. Et s'il s'agissait d'un groupe hostile, Telvan tomberait en plein dedans.

L'autre moyen consistait à sortir de la route dès maintenant et à contourner la colline en coupant à travers la petite plaine herbeuse. Il pourrait observer le camp depuis une distance plus respectable, mais ce serait plus dur de s'approcher sans se faire voir. D'autant que s'il se faisait repérer rôdant ainsi, il aurait du mal à justifier sa bonne foi et à assurer qu'il n'était pas lui-même un voleur.


[HRP: si tu n'es pas sûr d'avoir compris, demande moi par MP, je te ferais un dessin de la situation]

Alors que Telvan se décida à chercher nerveusement un abri, une violente bourrade dans le dos le jeta au sol. Il eut juste le réflexe de tendre les mains pour ne pas s'éclater le nez dans la terre. Et avant qu'il n'aie eu le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait, un talon lui écrasa douloureusement le creux des reins tendit qu'une pointe lui chatouillait désagréablement la nuque. Telvan n'avait absolument rien vu venir et se retrouvait maintenant à la merci de quelqu'un dont il espérait que les intentions soient bonnes. Coincé dans cette position précaire, il se souvint alors des paroles d'Anavir : "Règle numéro un mon garçon, ne jamais négliger ses arrières."

Mais ce fut une autre voix qui lui souffla dans les oreilles :

"Tu bouge, tu crie, t'es mort."

Le message clair, net, et précis. Telvan n'avait pas trop intérêt à faire le malin. Il sentit son agresseur le délester de ses armes. Une fois fait, son agresseur le saisit à la gorge et le souleva. Telvan était un jeune homme plutôt bien bâti, mais pourtant l'homme le maîtrisait d'une seule main avec une poigne redoutable. Et Telvan se retrouvait presque à marcher sur la pointes des pieds tellement il le tenait haut. La lame qui le menaçait changea également de position pour venir piquer son flanc.

Telvan fut donc emmené de force dans le cercle de lumière du foyer. Entre temps, la femme s'était levée pour ramener quelques provisions. L'homme se retourna sans se lever. Il s'agissait du jeune arbalétrier vu plus tôt dans la journée. Celui qui tenait Telvan déclara d'une voix sifflante :

"Voyez le beau gibier que je vous ramène. Vous croyez que ça se mange?"



[HRP : Devine dans quel sujet cette conversation va finir...]